Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 29.djvu/244

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Lithuanie, en Esthonie : bien qu’elles n’aient pas tourné dans leur ensemble à l’avantage des Russes, elles n’ont diminué en rien l’admiration que mérite leur armée, soldats et officiers. Il est impossible de se battre mieux qu’ils ne l’ont fait avec les moyens dont ils disposent. Rarement l’héroïsme a été poussé aussi loin. Le grand-duc Nicolas, dans la situation difficile où il se trouve, continue de montrer les qualités d’un véritable homme de guerre, et la retraite qu’il dirige avec une remarquable maîtrise sera certainement une belle page dans l’histoire militaire de la Russie. Des villes importantes sont, à la suite de Varsovie, tombées entre les mains de l’ennemi, et ce sont là des sacrifices cruels, bien qu’on les sente provisoires. Les journaux allemands et les journaux autrichiens sont entrés en polémique pour savoir auquel de leurs pays appartiendra la Pologne et auquel on empruntera le Roi qui sera chargé de faire son bonheur ? On n’en sait encore rien. Cela rappelle les discussions d’autrefois sur les duchés de l’Elbe, bien que les analogies ne nous cachent pas les différences des situations. En attendant, on est forcé de s’en tenir au discours de M. de Bethmann-Hollweg. « Nous avons maintenant, nos alliés et nous, a-t-il dit, la lâche de gouverner la Pologne : nous la gouvernerons, autant que possible, avec le concours du peuple. » On sait déjà par maint exemple ce que l’Allemagne entend par la réserve comprise dans le mot : « autant que possible. » Le peuple polonais doit s’attendre à ce qu’aucun concours ne lui soit demandé : mais il lui reste l’espérance. Déjà un retour de fortune a porté au pavillon allemand l’atteinte qui devait peut-être lui être le plus sensible : la flotte qui opérait dans le golfe de Riga, et qui avait commencé un débarquement sur la côte orientale, a éprouvé un échec sérieux et a dû se retirer. Elle reviendra vraisemblablement à la charge, mais l’échec n’en est pas moins un fait acquis. Sait-on le parti auquel s’est arrêtée à ce sujet la presse allemande, ou qu’on lui a imposé ? Elle n’a pas soufflé mot de l’affaire de Riga. Elle énumère les succès en les exagérant, elle dissimule et cache les revers. L’amour-propre germanique s’en trouve mieux, et on n’a pas trouvé à Berlin un autre moyen de maintenir la confiance.


FRANCIS CHARMES.

Le Directeur-Gérant, FRANCIS CHARMES.