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Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 29.djvu/310

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impuissante. Les Allemands le savent, et, violemment, lourdement, pendant deux jours, ils vont, à l’aide de gros obus, et sans guère se montrer, déchiqueter, hacher, écraser nos tranchées.

Sur certains points surtout, ils s’acharnent. Vers notre petite tête de pont de Schoorbakke qui protège la très vulnérable boucle de l’Yser, ils ont fait converger le feu de l’artillerie de trois divisions et de celle d’un corps d’armée. Ils ont compté sans notre endurance, sans la calme intrépidité de nos soldats du génie qui, inlassablement, refont les parapets, bouchent les brèches, rétablissent les défenses. Les pertes que nous cause l’invisible ennemi sont énormes, mais une sorte d’exaspération croit chez nos soldats. Va-t-on recommencer, comme sur la Nèthe, à lutter, par le seul silence et la seule volonté de tenir, contre un adversaire qu’on ne peut atteindre ? Non ! jamais on n’en aura la force ! Aussi, quand simultanément, sur quatre points du fleuve, dans la journée du 21, on verra s’esquisser une attaque, les fusils partiront tout seuls ; il faudra, devant les ponts qu’on a laissés subsister çà et là, pour l’offensive possible, retenir les hommes déjà lancés.

C’est à Saint-Georges d’abord, où le 7e de ligne, en contact avec l’ennemi depuis la retraite de Mannekensvère, n’a pas bronché. Le 20, au soir, un bataillon logé dans une des sinuosités du cours d’eau a vu ses retranchemens pris d’enfilade par des mitrailleuses. Celles-ci ne peuvent être installées que dans une maison située tout près de nous, sur l’autre rive, en contre-bas de la digue que nous occupons. Comment les réduire au silence ? — « Attendez ! a dit le lieutenant auxiliaire Colson, je me charge de les faire taire ! » La nuit, il a amené sur la digue même un canon ; et, à l’aube, au premier coup, bien ajusté à bout portant, la maison suspecte s’est écroulée sur les mitrailleurs et leurs pièces. L’ennemi a répondu dans le jour par un bombardement intense. Quand il croit nos hommes anéantis, il lance sur la rive des compagnies avec des passerelles volantes. Ces compagnies sont aussitôt dispersées. Des mitrailleuses ayant réussi à se réinstaller dans les ruines de la maison écroulée le matin, le lieutenant Cambrelin reprend le rôle du lieutenant Colson gravement blessé et, hissant à nouveau le canon sur la digue, fait voler en l’air, du premier coup