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nerf, du jarret, de l’allant ! Les deux villages qui commandent la boucle, Schoorbakke et Tervaete, nous sont furieusement disputés. De l’un et l’autre débouchent sur la rive droite nos intrépides lignards. Là, le 4e de ligne se maintient victorieusement ; ici, le 8e, dont les officiers tombent coup sur coup, ne soutient l’assaut ennemi qu’en se lançant lui-même à sa rencontre. C’est dans l’attitude de la charge que les hommes sont frappés. C’est en criant de toutes ses forces : En avant ! que le capitaine van Laethem est tué d’une balle dans la bouche ouverte !

Impossible donc d’étouffer dans une étreinte complète, par la possession des deux clefs du champ de bataille, les Belges qui luttent dans la ronde presqu’île. Impossible de contenir leur flot mouvant. Aussi bien, voici pour les soutenir des renforts venus de partout, hâtivement mis en ligne, et qui s’élancent à la baïonnette.

Peu nombreux, mais nerveux, décidés, colériques, désespérés, ils bondissent plus qu’ils n’avancent. Ils font à leur tour, dans les lignes agressives des Allemands, leur trouée sanglante. Les carabiniers partent les premiers, franchissent les fossés au trot ; au cri de : Vive le Roi ! aux cris de Louvain ! et de Termonde ! ils bousculent et dispersent d’épais bataillons bien rangés. Des hommes tombent frappés : Continuez ! crient-ils à leurs camarades. Les carabiniers continuent, débordent les premières défenses ennemies ; ils toucheraient au fleuve, s’ils n’étaient arrêtés soudain par des retranchemens solides, sur lesquels leur élan se casse. Un bataillon du 9e, plus heureux, un peu plus loin, les franchit en trombe et atteint la digue Nord de l’Yser devant Schoore. Mais l’ennemi, après la surprise, se ressaisit. Il repasse l’Yser plus nombreux et plus fort ; il repousse graduellement nos colonnes avancées. Tant d’héroïsme aura-t-il été vain ? Soudain, au centre de nos lignes, retentit un bref commandement. Un bataillon de grenadiers reçoit l’ordre de contre-attaquer à outrance et de ne s’arrêter qu’au bord du fleuve. A la tête de ce bataillon s’élance un officiel de haute stature, vêtu d’un grand mackintosch noir, et agitant, comme signe de ralliement, son képi au bout d’un bâton C’est le major Henri d’Oultremont, le même qui, à Werchter, debout aussi au milieu de la plaine nue, droit comme la hampe d’un drapeau, ralliait pendant des heures, sous la mitraille, ses