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Emile Ollivier se défend. Et les coïncidences font que les derniers mots de son plaidoyer tombent au milieu des plus chaudes alarmes, lui mort et la tribulation recommencée. Il avait attendu vingt ans, après la guerre, pour entamer le dur débat ; le verdict, c’est en pleine guerre que sa péroraison le sollicite. Eh bien ! disons-le, sous réserve d’un autre examen : sur divers points, — et j’en veux signaler trois, — les événemens actuels ont apporté des clartés imprévues et favorables à la défense de l’Empire libéral ou d’Emile Ollivier.

Le principal grief qu’on ait contre l’Empire libéral et contre Emile Ollivier, le voici : le gouvernement ne pouvait-il pas, ne devait-il pas, au mois de juillet 1870, éviter la guerre ? — Il le devait, puisque la guerre a été cette catastrophe que nous réparons, après un demi-siècle, au prix de toute une jeunesse admirable et sacrifiée. — Il ne savait pas ?… — Il devait savoir ! et, dans l’incertitude, éviter l’aventure où la France risquait sa vie. — Le pouvait-il ?… À cette question : qui a voulu la guerre ? l’auteur de l’Empire libéral a constamment répondu : Bismarck. La falsification de la dépêche d’Ems indique la volonté nette de ce fourbe. Cependant, c’est la France qui a déclaré la guerre, au mois de juillet 1870 : l’intrigue allemande avait ainsi machiné l’affaire, on ne l’ignore pas. A présent, ne le voyons-nous pas avec plus d’évidence, mieux informés, à notre dam, une deuxième fois, de la fourberie allemande ? Si l’on soupçonne le régime impérial d’avoir agréé, pour des raisons dynastiques, l’idée d’une guerre, un pareil soupçon ne s’adresse point à la République : celle-ci, à coup sûr, ne désirait pas la guerre ; et elle ne l’a pas éludée. La criminelle préméditation de nos ennemis est manifeste dans le Livre jaune. Les stratagèmes de la diplomatie allemande sont de la même sorte l’été de 1870 et l’été de 1914 ; Bismarck est plus fort que Bethmann-Hollweg, il n’est pas moins sournois et ne traite pas plus honnêtement les chiffons de papier ; l’imbroglio du Hohenzollern qui prétend à la couronne d’Espagne vaut la machination des représailles contre les meurtriers de Serajevo ; et le roi Guillaume, qui se fait scrupule de gêner par ses remontrances le père Antoine, a le digne héritier de ses feintises en la personne de Guillaume II, qui ne se permet point d’apaiser François-Joseph. L’Allemagne, une fois comme l’autre, a fomenté la guerre et a multiplié les subtils mensonges pour attribuer à la