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en soit des imprudences que le ministère a commises, la France ne l’a-t-elle pas invité à des imprudences, par sa vivacité, par sa fine susceptibilité d’héroïsme. Il fallait résister à la France : et, gouverner, ce n’est pas suivre la fantaisie universelle. En 1792, puisque Emile Ollivier compare ces deux déclarations de guerre, celle de 1792 et celle de 1870, la monarchie presque moribonde met tout ce qui lui reste de force et tout son dernier zèle à détourner de la guerre la révolution déchaînée ; jusqu’au 20 avril, avec un acharnement méritoire, elle achève de se compromettre en conjurant les furieux de ne point s’aventurer contre l’Autriche. La monarchie faisait strictement son devoir et, à la veille de mourir, essayait de gouverner. Toujours est-il que l’injustice principale consiste à imputer au seul ministère libéral et, nommément, à son chef, une aberration (si c’en est une) qui a été celle de tout le monde. Emile Ollivier, sans doute, ne consent pas à reconnaître qu’il se soit trompé, fût-ce avec tout le monde. Du moins couvre-t-il sa politique de ce nom, « la politique que le peuple élaborait depuis 1815. » Il lui importait de montrer que si, après la défaite, tout le monde le délaissa, — et, plusieurs, vilainement, — avant la guerre et dans l’espérance de la victoire, tout le monde l’accompagnait. Il lui importait de montrer que la déclaration de guerre n’avait pas été, de sa part, un caprice de légèreté. Les origines de la guerre, c’est, plutôt que sous le ministère libéral, dans la fatale année 1866 qu’on les démêlera, et plus anciennement. Telles sont les raisons légitimes qu’a eues Emile Ollivier de ne pas écrire un pamphlet, mais une histoire, et de placer dans l’histoire la courte anecdote de son ministère, et de joindre sa cause individuelle à un procès formidable, celui de toute une époque française.

Il lui fallut conséquemment remonter, dans la série des événemens, jusqu’au début du siècle. Son premier chapitre est le portrait de Talleyrand. Le premier livre de l’Empire libéral, qui occupe tout le premier tome, traite « des idées et des sentimens de la France de 1815 à 1848. » Le tome II nous mène au coup d’Etat : le tome II achevé, il y a encore toute la durée de l’Empire autoritaire à exposer avant que nous n’arrivions au point vif du démêlé ; difficultés intérieures, conflit du pouvoir énergique et des velléités révolutionnaires, diverses tentatives de gouvernement fort et manigances de l’opposition ; difficultés