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éprouve le plus de peine à se tenir tranquille devant une feuille de papier blanc. Il suffit d’avoir habité son pays ou parcouru ses journaux pour constater combien est impérieux chez lui, à quelque classe sociale qu’il appartienne, le besoin de mettre le public dans la confidence de ses sentimens personnels ou de ses idées générales. Cette incoercible graphomanie devait s’exercer avec une intensité particulière quand il s’agissait d’évoquer d’inoubliables souvenirs patriotiques. Aussi les survivans de la « grande guerre » ont-ils mis un tel empressement à rédiger leurs mémoires, que la série en forme toute une bibliothèque, dont il a pu être dressé des catalogues spéciaux, et dans laquelle presque chaque corps de troupe est représenté.

Ces œuvres de circonstance présentent naturellement une valeur documentaire fort inégale selon leur développement, la date de leur composition et la personnalité de leurs auteurs. — On peut d’abord placer à part, en première ligne, celles des « grands chefs » mêlés aux affaires du haut commandement : le prince de Hohenlohe, dont les mémoires, si vivans et si souvent cités quand ils se rapportent à ses fonctions d’attaché militaire à Vienne, ont malheureusement un caractère un peu trop technique quand ils retracent son activité d’artilleur au siège de Paris[1] ; le général de Wilmowski, auquel sa situation de chef du Cabinet militaire du roi Guillaume a permis d’assister à bien des scènes intéressantes, un peu sèchement relatées dans les notes publiées par son fils[2] ; le lieutenant général de Müller, dont le livre embrasse les deux campagnes de 1866 et de 1870[3]. — On peut ranger au-dessous les ouvrages des officiers subalternes, moins importans peut-être pour la grande histoire, mais plus intéressans à coup sûr pour la petite, parce que leurs auteurs ont vu les choses de moins haut et par suite de plus près. Deux d’entre eux ont mérité d’être récemment traduits en français : celui de Kretschmann[4], qui présente l’inestimable avantage d’être formé de lettres intimes, écrites sous l’impression immédiate des événemens du jour, et celui de Tanera, qui a obtenu à son apparition le même succès de

  1. Hohenlohe-Ingelfingen, (Prinz zu), Aus meinem Leben, 4 vol. Berlin, 1897-1907.
  2. Wilmowski (Karl von), Feldbriefe 1870-1871, Breslau, 1894. Voir sur ce volume l’étude publiée dans la Revue du 1er mars 1894.
  3. Müller (von), Kriegerisches und friedliches aus den Feldzügen von 1864-1866 und 1870, 1 vol. Berlin, 1909.
  4. Kretschmann (H. von), Kriegsbriefe, 2e édition, Stuttgart, 1904.