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Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 29.djvu/470

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était des plus simples. Elle consistait à soutenir que l’Allemagne s’était vue forcée de faire la guerre parce qu’il lui fallait, à tout prix, s’enrichir tout de suite. Trop longtemps elle avait été pauvre, trop longtemps elle s’était résignée à regarder patiemment de quelle façon les Anglais se régalaient de tous les fruits de la terre. Ayant échoué dans son long effort pacifique pour arracher à l’Angleterre une part de son butin, il ne lui restait plus maintenant d’autre moyen que de recourir à la force brutale. Car, selon Blümer, une nation avait l’unique devoir de tâcher à s’enrichir par n’importe quels moyens. L’Angleterre possédait, actuellement, d’immenses richesses : mais était-elle en état de les garder ? Toute la question se résumait là ; car si l’Angleterre n’était pas en état de garder sa richesse, elle n’avait aucun droit d’empêcher l’Allemagne de la lui enlever ; et si l’Allemagne était en état de l’enlever, elle serait criminelle de manquer à le faire. — Mais aussi vous pouvez être bien sûr qu’elle n’y manquera pas ! — concluait invariablement l’excellent Blümer, en me frappant sur l’épaule. »

Ou bien voici un couple de planteurs saxons, les Libau ! Installés depuis dix ans dans une île du Pacifique, au milieu d’une population à peine déshabituée de longs siècles de cannibalisme, les Libau semblent vraiment partager toutes leurs pensées entre le développement de leur plantation et la ferveur, quelque peu ridicule, de leur propagande évangélique. Lorsque le naufrage du Gronau les contraint à quitter leur île pour se réfugier à X-Motu, ils rassemblent une dernière fois leurs ouvriers indigènes et leur prêchent éloquemment le respect des saintes doctrines qu’ils leur ont enseignées. Mais avec tout cela ces vertueux apôtres étaient surtout, eux aussi, des agens politiques. Leur tâche principale avait été d’organiser et d’entretenir, dans leur île, un de ces postes de télégraphie sans fil qui « rattachaient directement avec Berlin l’amiral chargé du commandement de nos forces navales et coloniales dans l’Océan Pacifique du Sud. » Et le planteur Libau explique fièrement à Harrington qu’il lui a été donné de mener à bien sa tâche patriotique. « Nous avions reçu l’ordre de ne pas abandonner la station avant le 12 septembre, et c’est à quoi nous avons réussi. Oui, en vérité, vous pouvez vous rassurer pour ce qui nous concerne ! La perte du Gronau est assurément regrettable : mais Dieu a permis que ce désastre ne risquât pas de nuire au succès du plan allemand ! » Et comme Harrington lui demande pourquoi l’Allemagne leur a fixé comme dernière limite la date du 12 septembre, l’ex-planteur et convertisseur lui révèle que, vers cette date, l’Allemagne a prévu une victoire décisive de ses armes aux portes de