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libertaire et fédératif au socialisme teutonique, centralisateur et caporalisé, tandis que Marx prétendait démasquer Bakounine, agent du panslavisme.

Ce ne fut que dix-huit ans après, au Congrès de Paris, en 1889, que la seconde Internationale parvint à se reconstituer. A son deuxième Congrès de Bruxelles, en 1891, l’action contre la guerre était mise à l’ordre du jour. Cette même année, Engels, l’Eminence grise de Karl Marx, écrivait de Londres : « Dans l’intérêt de la Révolution européenne, il est nécessaire pour les socialistes allemands de combattre de toutes leurs forces la Russie et ses alliés, quels qu’ils soient. Si la République française se mettait au service de S. M. le Tsar, les socialistes allemands devraient la combattre avec passion, et ils le feraient. En face de l’Empire allemand, la République française peut représenter la Révolution bourgeoise. Mais en face de la République d’un Constans, d’un Rouvier et même d’un Clemenceau, particulièrement en face de la République au service du tsar russe, le socialisme allemand représente absolument la Révolu-lion prolétarienne. » Engels prophétisait à rebours : le socialisme allemand devait s’enchaîner, dans la prochaine guerre, à l’impérialisme capitaliste.

Grâce à la majorité dont ils disposaient dans l’Internationale, les Allemands, au Congrès de Paris, en 1900, et à celui d’Amsterdam, en 1904, imposaient aux socialistes français, en voie de se rallier à la République radicale, comme le prouvait le cas Millerand, une attitude de guerre vis-à-vis de la démocratie bourgeoise. Mais la paix internationale devait être fortifiée par l’engagement imposé aux élus du parti, dans tous les Parlemens, de voter contre toute dépense militaire, contre tout accroissement de la flotte. En manière de protestation contre la guerre russo-japonaise, on vit les délégués socialistes des deux pays belligérans, Plekhanow et Katayama, se tendre la main à la tribune : leur geste théâtral soulevait des applaudissemens frénétiques.

La question des obstacles à opposer à la guerre menaçante excitait au plus haut point l’antagonisme entre Français et Allemands au Congrès de Stuttgart, en 1907. Hervé, antipatriote outrancier à cette date, Vaillant, Jaurès, impatientés de s’entendre toujours jeter à la tête, dans leur lutte contre le militarisme national, le patriotisme teuton, voulaient obtenir des