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et la colonisation d’exploitation allemande qui en a été la conséquence, sont faits pour donner à cet argument une terrible force d’actualité ; mais il faudrait encore que cet argument portât, et, avant de se demander si les zones franches françaises auraient été surtout exploitées par des étrangers, — supposition qui n’est guère flatteuse pour notre initiative, — et si cela n’aurait point donné un appoint à la pénétration allemande en France, il conviendrait de se demander si le manque d’institutions libérales douanières en France n’a pas tout autrement contribué à nous rendre tributaires économiquement de l’Allemagne et, par suite, à augmenter le nombre des Allemands établis en France. Dans ce cas, ce serait le nationalisme économique, qui s’est toujours opposé à l’institution des zones franches, qui nous aurait valu l’invasion économique allemande et nous aurions un peu suivi la politique de Gribouille, en nous jetant à l’eau dans la crainte d’être mouillés. Sans aller jusque-là, on peut penser que les tenans d’un régime qui, après vingt années de pleine application, a engendré une situation où l’on trouve partout l’Allemand, n’ont pas le droit de faire à cet égard un procès de tendances à une institution qui, par sa nature, ne justifie en rien ces suspicions.

La même tactique a été employée pour la contrebande et les sophistications.

Les zones franches seront des foyers de contrebande et de sophistication, ont dit les Chambres de commerce d’Amiens, de Béthune, de Cholet et de Clermont-Ferrand sans donner aucune preuve de cette allégation.

Examinons séparément ces deux griefs, dont on ne s’explique pas la liaison. La contrebande est l’entrée en fraude sur le territoire douanier de la marchandise étrangère, sans la reconnaissance de la marchandise et sans le paiement des droits. Quelle idée se fait-on de la vigilance et de la dignité de nos douaniers, pour penser qu’ils ne parviendraient pas à surveiller quelques kilomètres de grilles ou de fossés formant les limites des zones franches : eux qui défendent les abords de la totalité de nos frontières, autrement propices à la contrebande, par suite du voisinage de l’étranger, et en raison de la configuration des lieux ? Nous croyons que l’honneur du corps de nos douaniers est plus mis en cause qu’un intérêt économique par cet argument, et nous laissons à nos vaillans agens du fisc, qui ont