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Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 29.djvu/639

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de droite est refoulé et son chef blessé. Le bataillon du centre paraît avoir été submergé, enveloppé et presque entièrement détruit. La gauche de la brigade voisine perd, par suite de ce brusque recul, une partie de ses tranchées de première ligne.

Le général commandant la division prend immédiatement les dispositions nécessaires. Le général commandant le corps d’armée lui donne toutes les forces disponibles. Trois contre-attaques sont organisées aussitôt. Les deux premières ne dépassent pas le ravin appelé le ravin des mitrailleuses. La troisième enlève une tranchée ébauchée par l’ennemi ; mais elle est arrêtée par des fils de fer apportés déjà par les Allemands.

Une nouvelle contre-attaque est déclenchée vers la fin de la journée. Elle est, elle aussi, arrêtée devant un fourré impénétrable. Le commandant du corps d’armée ordonne qu’on profite de la nuit pour s’organiser solidement sur la deuxième ligne de défense. Cette ligne présente sur la première de gros avantages : elle est beaucoup plus solidement construite et elle possède des flanquemens. La forêt étant éclaircie en cet endroit, notre artillerie pourra beaucoup plus facilement exécuter ses tirs de barrage.

Deux renseignemens très sûrs, qui nous parviennent le lendemain, nous donnent une idée de l’acharnement de ce combat. Les soldats allemands avaient été au préalable consciencieusement enivrés. « Ils puaient l’alcool à plein nez, » m’ont répété nombre de nos soldats. La chose ne fait aucun doute et elle a été remarquée bien des fois ici. Parfois même l’alcool est remplacé par l’éther.

Le bataillon, enveloppé dès le début, s’est défendu toute la journée dans ses boyaux, ainsi qu’une partie de la nuit. Les hommes se sont fait tuer jusqu’à leur dernière cartouche. Le nombre des prisonniers valides a été extrêmement faible. Le commandant du bataillon, blessé tout au commencement, aurait dit à son agent de liaison : « Allez immédiatement rendre compte au colonel. Nous autres, nous crèverons ici ! »

On voit, par ces attaques endiablées des Allemands, toute l’ardeur d’offensive, tout le mordant dont ils font preuve dans l’Argonne. Ils se dépensent on efforts tenaces, méthodiques, extrêmement violens.

A quoi tendent ces efforts ? Car enfin, jusqu’à présent, leurs plus heureux coups de main ne leur font guère gagner plus de quelques centaines de mètres.