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palestrinien tout entière, à l’exception de l’introduction, demeurée justement fameuse, et du Benedictus. Celui-ci, très mélodique, tout à fait dans le style et même un peu trop suivant la formule du maître, ne laisse pas de surprendre, mais de charmer, « comme une fleur poussée aux fentes d’un vieux mur. » Le prologue au contraire est grandiose, admirable de simplicité et de puissance. Par ces qualités mêmes, il a quelque chose de commun avec le superbe début de Mors et Vita : « Ego sum resurrectio et vita. » Il est seulement plus décoratif, et devait l’être. N’oublions pas et ne laissons pas oublier que Gounod fut, maintes fois, l’architecte de ces nobles édifices classiques, de ces larges et solides ordonnances, aux lignes pures, aux étages harmonieux. Les plans sont ici distribués entre un groupe de trompettes et trombones, d’une part ; d’une autre, les grandes orgues ; d’une autre enfin, les chœurs. Que les trois élémens alternent, ou qu’ils se mêlent, égale est la beauté de leur union et celle de leur vicissitude. Il est certain que dans une église, pourvu qu’elle soit immense, les instrumens de cuivre seuls ont la portée, le caractère et la majesté qu’il faut pour s’allier avec l’orgue et les voix et pour leur répondre. Les trois forces, combinées ou successives, selon leurs ressources et leur style respectif, se partagent ici les effets, tous les effets, de puissance et même de douceur. Il va de soi que la puissance l’emporte. Ainsi, religieuse et guerrière, au seuil d’une œuvre qui célèbre nos gloires les plus saintes, notre musique éleva naguère ces magnifiques propylées, cet arc de triomphe sonore. Dieu nous fera la grâce, à Reims même, d’y passer ou d’y repasser un jour.

On se demande et même on nous demande souvent ce que sera notre musique après la guerre. Plus librement, plus hardiment nôtre, il faut l’espérer. Certaine, qui se donnait pour nationale, cessera de nous abuser, ou de nous trahir. En tel ou tel « maître » soi-disant français, nous reconnaîtrons peut-être le disciple, ou le serviteur, du dernier des grands allemands. D’ici là, notre musique de guerre, j’entends : née de cette guerre, est peu de chose. Elle est quelque chose pourtant. En musique encore plus qu’en poésie, le genre patriotique est un genre difficile. Des musiciens y ont échoué, voire des musiciennes. Dans un certain nombre d’hymnes ou de chansons, dédiées à des patriotes illustres, ce qu’il y a de mieux, c’est la dédicace. Pourtant quelques pièces vocales, des lieder, connue on hésite à les nommer, témoignent déjà que la musique française a bien mérité de la patrie.

« Vive la France ! » Sous ce titre et sur des paroles qu’on voudrait