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Constantinople et qu’ils ne s’étaient pas trompés en sollicitant sa généreuse assistance. L’avenir montrera ce qu’il en est. Quoi qu’il en soit, le lien d’intimité qui attachait la Bulgarie à la Porte était apparu avec évidence et M. Radoslavof lui-même en avait fait étalage.

Il y a une opinion en Bulgarie : elle ne peut pas toujours se manifester par les voies normales, mais elle profite, dans les momens graves, de tous les moyens pour s’exprimer. L’opposition parlementaire aurait voulu le faire à la tribune et elle a tenté récemment une démarche pour obtenir la réunion du Sobranié, mais on ne l’a pas écoutée : M. Radoslavof a trouvé, avec raison d’ailleurs, qu’il était plus facile et plus commode de gouverner sans avoir à rendre des comptes à la Chambre et au pays. Que le pays soit contraire à une politique qui risque de le mettre en conflit avec la Russie libératrice et l’expose aux pires hasards, c’est ce que tout le monde croit et M. Radoslavof plus que personne, puisqu’il refuse de convoquer l’Assemblée. Il se serait empressé de le faire s’il avait été sûr d’y avoir la majorité. La demande de l’opposition n’a donc pas eu de suite ; ce que voyant, l’opposition est allée, comme on dit, droit au fait ; elle savait où est le vrai pouvoir, c’est là qu’elle s’est adressée ; négligeant les vaines formes, elle a demandé une audience au Roi, qui la lui a accordée le 17 septembre. Diverses versions ont circulé sur ce qui s’est passé dans cette entrevue d’un caractère peut-être unique dans l’histoire ; il nous est difficile de dire quelle est la plus exacte, on ne le saura que plus tard ; nous nous en tenons à celle que le journal Le Temps a reçue de son correspondant à Sofia.

Le roi Ferdinand a entendu la vérité, ce qui n’arrive pas tous les jours aux rois, et à lui moins qu’à un autre, car, autoritaire et impatient de toute critique, il est dangereux de lui faire obstacle. Mais les représentans de l’opposition bulgare n’ont écouté ce jour-là que leur conscience. Ils ont parlé l’un après l’autre. M. Malinof, le leader démocrate, a exprimé le premier la pensée de tous en demandant la réunion du Sobranié et la constitution d’un ministère de coalition très large, où tous les partis seraient représentés. Après lui, M. Stamboliski, le leader agrarien, a déclaré que la politique suivie par M. Radoslavof mettait en péril la sécurité nationale et amènerait certainement des troubles, et il a ajouté que, « si le pays tenait pour responsable de l’aventure du 16 juin 1913 la couronne et le gouvernement, pour une nouvelle catastrophe il ne tiendrait responsable que le Roi. » Ce souvenir de 1913 était dans tous les esprits, pesait sur tous les cœurs. M. Tsanof, le leader radical, qualifia le fait de « folie