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houille, mais entraine les industries les plus diverses. La plupart des sociétés minières possèdent, en même temps, des hauts fourneaux et des aciéries ; des ateliers de grosse mécanique et de chaudronnerie se sont établis au voisinage. Parmi les sous-produits, le sulfate d’ammoniaque fournit les engrais ; les goudrons donnent les matières colorantes ; les gaz hydrocarbures servent, dans des centrales, à produire la force, qui, transformée en énergie électrique, alimente tout le pays. Et toute cette puissance économique est monopolisée entre les mains de syndicats qui, pour la houille, pour l’acier, pour les goudrons et les benzols, pour les sels ammoniacaux, dominent le marché, en agissant sur des valeurs de marchandises atteignant des milliards.

À cette industrie colossale, le Rhin et les canaux qui y aboutissent fournissent des artères vivantes apportant la nourriture et les moyens de vivre aux ouvriers, emportant les produits bruts ou fabriqués au dehors. La moitié du charbon, par exemple, est consommée sur place, l’autre exportée. Tout le Rhin en aval de Mannheim est un immense port, presque continu, dont les aboutissans naturels sont moins encore Hambourg que Rotterdam et Anvers.

Rotterdam, relié au Rhin et à la Meuse navigable par le Dordksche Kanal, a passé de 1 900 000 tonnes en 1883 à 18 millions en 1913 et de 72000 habilans en 1830 à 450 000 aujourd’hui. Anvers a atteint 302 000 âmes. C’est pourquoi Anvers et Rotterdam sont apparus à tout esprit allemand comme devant être nécessairement des ports allemands.

Que l’on ne s’y trompe pas, en effet, la puissance de la Westphalie est énorme et nourrit l’Allemagne. Je vais montrer tout à l’heure à quel point elle s’est encore accrue récemment. Mais il lui manque pourtant deux élémens de prospérité indispensables : l’accès à la mer en territoire national et les minerais de fer que nous avons le tort de posséder en Lorraine. Si l’invasion a suivi le chemin que l’on connaît, si les Allemands ont déchiré le chiffon de papier qui garantissait la neutralité belge, au risque de tourner contre eux l’Angleterre, c’est assurément surtout pour nous surprendre sur une frontière où nous étions moins défendus ; mais c’était aussi, on ne s’en cache plus guère aujourd’hui, pour réaliser l’annexion de la Belgique, qui devait fatalement entraîner celle de la Hollande.