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Washington gagner en importance et réclamer des sommes croissantes pour l’extension de ses services.

Les ressources fédérales, pendant longtemps, consistaient uniquement en droits d’importation et en taxes indirectes sur quelques objets de consommation, notamment l’alcool et le tabac. Elles étaient d’ailleurs amplement suffisantes. Si on jette un coup d’œil sur le résultat des budgets américains depuis l’origine, c’est-à-dire en remontant à l’année 1791, on voit que le nombre des années en déficit est très faible par rapport à celui des exercices qui ont laissé des surplus. Ceux-ci ont atteint des chiffres qui pourraient rendre rêveurs les ministres des finances de la vieille Europe. En 1880, 68 millions ; en 1881, 101 : en 1882, 145 ; en 1883, 132 ; en 1884, 104 millions de dollars. Jusqu’en 1890, l’année se solde régulièrement par un boni qui oscille aux environs de la centaine de millions. Ce fut alors que certains hommes d’Etat et un groupe nombreux d’industriels se plaignirent amèrement de ces excédens. Parmi les emplois tout indiqués des milliards qui remplissaient les coffres du Trésor se trouvaient en effet les dégrèvemens, et, en premier lieu, celui des taxes douanières. Mais ceci ne faisait point l’affaire des protectionnistes, qui cherchèrent à écarter la menace suspendue sur leurs têtes et créèrent de nouveaux chapitres de dépense plutôt que d’abaisser les barrières qui s’opposaient à l’entrée des produits étrangers. C’est ainsi que le chapitre des pensions aux victimes de la guerre civile augmentait à mesure que le nombre des titulaires diminuait. D’ailleurs, des charges nouvelles ne tardèrent pas à se présenter : la guerre de Cuba en 1898, puis les travaux du Canal de Panama firent pencher le plateau de la balance du côté des déficits. Après avoir presque entièrement amorti la dette considérable qu’ils avaient contractée lors de la guerre de Sécession, les Etats-Unis empruntèrent de nouveau. Ils établirent aussi des taxes destinées à subvenir en partie aux frais de la guerre contre l’Espagne. Mais le développement des recettes normales fut si rapide que la plupart des impôts de guerre de 1898 purent être supprimés au bout de deux ans.

Quelles qu’aient été d’ailleurs les fluctuations de leur politique financière, les Etats-Unis sont aujourd’hui, parmi les grandes nations du monde, celle qui a de beaucoup la dette la plus faible, non pas seulement en proportion de sa population