l’affirmer, — non seulement sur sa connaissance personnelle des milieux allemands, mais encore sur les remarquables rapports français publiés dans le Livre Jaune. « On doit, dit-il, les tenir pour exacts, et même admirer leur analyse aiguë de l’état des choses en Allemagne. » Mais ce qui ressort de ces rapports, notamment des très belles lettres de M. Jules Cambon et de l’admirable Note sur l’opinion publique en Allemagne, d’après les rapports des agens diplomatique et consulaires, c’est d’abord que le parti de la paix, inorganique, « passif et sans défense contre la contagion d’une poussée belliqueuse, » est de moins en moins nombreux et épouse de plus en plus les rancunes, les préjugés et les convoitises des pangermanistes. Notre attaché militaire à Berlin ne note-t-il pas, dès 1913, que tel article, virulent et inconvenant, de la Gazette de Cologne contre la France « correspond à un sentiment réel, à une colère latente ? » D’autre part, car le propre de la guerre est précisément de faire éclore et de manifester des sentimens latens, qu’avons-nous appris, qu’avons-nous vu depuis que la guerre est déclarée ? Y a-t-il un seul catholique, un seul socialiste allemand qui ait protesté, au début, contre la violation de la neutralité belge ? par le fameux manifeste des Quatre-vingt-treize, n’est-ce pas toute la pensée allemande qui s’est solidarisée avec le militarisme prussien ? Par les lettres ou papiers saisis sur les prisonniers ou sur les morts, nous savons que ce ne sont pas seulement des femmes de la dernière catégorie sociale qui réclamaient à leurs pères, frères ou époux, de l’or, des bijoux ou des dentelles. Des femmes d’officiers sont venues dévaliser en Lorraine des maisons françaises ; des officiers supérieurs ont pris part à de véritables pillages, et d’innombrables wagons sont depuis quinze mois partis pour l’Allemagne emportant le profitable produit des infatigables rapines allemandes. Nous savons quels cris unanimes d’enthousiasme ont accueilli le torpillage du Lusitania, et nous demandons combien, aujourd’hui encore, il se trouverait de justes en Allemagne pour désapprouver l’annexion de la Belgique. Assurément, ce n’est point en Bavière qu’il faudrait les chercher, dans cette Bavière dont le roi, récemment, réclamait avec insistance de si larges « compensations » territoriales et économiques. Et enfin, l’on n’a pas oublié le copieux programme de « revendications » qu’au mois de mai dernier l’Union des Agriculteurs, l’Union des Paysans, le
Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 29.djvu/923
Apparence