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La Tempête de Shakspeare la scène où Caliban demande à Stéphano de le débarrasser de Trinculo et lui dit : « Bats-le d’abord comme plâtre, et puis, un moment après, je le battrai moi aussi. » C’est la politique de la Bulgarie : laissons-lui-en l’honneur.

Mais, certes, la situation des Serbes est critique, placés qu’ils sont entre deux feux et appuyés par des amis trop peu nombreux encore pour leur prêter un concours efficace. Les questions qui se posent sont complexes et il n’y a aucune exagération à les qualifier de redoutables. Il s’agit pour nos alliés et pour nous de ne pas dégarnir les fronts sur lesquels nous nous battons avec des succès encore incomplets, et cependant de prêter main-forte à la Serbie qui soutient la même cause que nous et dont le sort est étroitement solidaire du nôtre. Que faire et dans quelle proportion nos forces doivent-elles être distribuées ici et là ? Où sont pour nous le premier intérêt et le premier devoir ? Comment pouvons-nous tout concilier ? Ce n’est pas ici que nous pouvons le dire : il faudrait, pour s’y risquer, disposer de renseignemens qui nous manquent jusqu’ici. Les Chambres partagent l’émotion générale, mais elles n’ont pas imaginé le meilleur moyen de la calmer : on a parlé de nouveau de séance secrète au Luxembourg, pendant qu’au Palais-Bourbon quatre grandes Commissions se réuniraient pour former une sorte de quadruple-extrait de parlement et entendre le gouvernement à huis clos. Celui-ci ne s’est pas prêté à cette mise en scène, qui ressemblait trop à une mise en demeure, et, ne voyant pas plus d’inconvénient à s’expliquer devant six cents personnes que devant cent cinquante, il a préféré la première procédure. Qui l’en blâmerait ! Il y a quelque chose de dérisoire à confier mystérieusement un secret à cent cinquante députés, en leur recommandant de ne pas le dire aux autres, qui ont autant qu’eux le droit de le connaître. Les explications du gouvernement sont prochaines : on les connaîtra sans doute quand paraîtra cette chronique. Tout ce que nous pouvons dire est qu’il faudra autre chose encore que des paroles pour dénouer une situation délicate et faire face à d’angoissantes difficultés.


FRANCIS CHARMES.

Le Directeur-Gérant, FRANCIS CHARMES.