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sa fortune incroyable prendre un nouvel essor, voulut amorcer son développement colonial. Voici trente années, l’Allemagne entrait dans cette voie sur toute la côte du Sud-Ouest africain et spécialement à Lüderitzbucht. Adroitement disséminés en des endroits bien choisis et sans rapports apparens les uns avec les autres, des comptoirs commerciaux s’ouvrirent au Togo, au Cameroun, sur la côte orientale d’Afrique, face à Zanzibar, en Nouvelle-Guinée et enfin aux îles Marschall, en Océanie. On eût dit les prémices d’une monstrueuse toile d’araignée, où apparaissaient les points de raccord entre des entreprises futures. C’est dans les mailles de ce vaste filet que l’Allemagne a trébuché. Rappelons-nous, en effet, l’arrière-pensée du Kaiser, lorsque, dès les premiers jours du mois d’août 1914, le chancelier, croyant pouvoir régler un partage amiable avec l’Angleterre, promettait à l’ambassadeur britannique à Berlin de respecter l’intégrité territoriale française seulement en Europe. Ainsi donc, à part ce qu’elle nommait d’un euphémisme fourbe des rectifications de frontières, l’Allemagne voulait alors s’emparer surtout du domaine colonial de la France.

Tous ces comptoirs, aux apparences exclusivement mercantiles, constituaient déjà autant de centres allemands, bien modestes, semblait-il, mais dont l’avenir dépassa certainement l’espoir de leurs fondateurs.

Une Société d’outre-Rhin, la Deutsche Kolonialgesellschaft, s’efforça d’intensifier le mouvement qui naissait. Dans la Métropole, elle multiplia les démarches publiques et privées, afin d’attirer les sympathies aux questions d’outre-mer. Elle fit naître des syndicats financiers, lança des colonnes de prospecteurs. Se retournant alors vers l’Afrique, elle secoua la torpeur de certains négocians, provoqua la convoitise des mercantis en plaçant sous leurs yeux des rapports de savans dont la conclusion affirmait toujours l’existence en tels et tels endroits de richesses incalculables qui n’attendaient que des mains pour les prendre.

Quatorze ans après, placée en face du chemin parcouru, la Deutsche Kolonialgesellschaft se disait peut-être que les résultats de ses efforts étaient bien médiocres. Mais ce fut alors, une fois de plus, l’occasion pour la vertu de ténacité de montrer sa valeur, et les Allemands sont opiniâtrement tenaces. Le produit de quinze années laborieuses était, disons-nous, presque