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12 REVUE DES DEUX MONDES.i maman, cela me gêne d’une étrange façon de constater, quand Robert est là, combien elle est de jour en jour plus jeune, et pue’rile et charmante... — Une vilaine pluie? a-t-elle répliqué dans un rire clair; tu veux dire la plus jolie petite pluie du monde... N’est-ce pas, Robert? Robert n’a pas répondu. XXXII Il n’a pas répondu. On dirait qu’il a oublié de savoir répondre. Il vient tous les jours; il vient le soir quand maman est ici ; et, l’air à la fois charmé et malheureux, seul entre nous deux, ou écoutant respectueusement « les chers vieillards » de plus en plus éperdus devant leur belle idole, Robert passe de Marianne à moi et de moi à Marianne avec un embarras si candide que je ne songe même pas à lui en vouloir de cette attitude singulière. A-t-il parlé à maman sans me le dire? A-t-elle refusé son consentement, puisqu’elle ne veut pas que je me marie si tôt, ainsi qu’elle me l’a écrit; mais elle change si vite d’avis... elle est si légère!... Essaie-t-il de l’attendrir, de lui plaire, d’obtenir, en lui faisant la cour, le « oui » qu’elle n’a pas voulu pro- noncer? Sans doute, je saurais cela, si je pouvais parler à Robert, puisqu’il m’a interdit d’entamer ce sujet avec maman. Je me perds dans des suppositions variées, et je m’agace et m’énerve, malgré la bonne insouciance confiante dont il me reste encore une dose suffisamment respectable. Il m’a été impossible d’avoir une heure de tête-à-tête avec Robert. Maman m’entraîne dans des promenades, dans des thés ; je ne peux pas toujours lui dire non ; le soir, quand elle sort, elle a soin d’inviter pour moi mes amies ou de m’envoyer dîner chez elles; d’ailleurs, dorénavant je vais l’accompagner, car Robert me l’a demandé formellement. Je venais de dire à Robert : — Pourquoi ne venez-vous pas un soir où je suis seule me tenir compagnie? J’éloignerai Angelise ou Ninon sous un pré- texte quelconque, et nous causerons enfin tranquillement. — Impossible, voyons, chérie 1 Je ne peux venir chez vous en l’absence de votre mère, ce n’est pas convenable. Et puis,