Ce n’est point seulement à cause du rôle essentiel des explosifs et des poudres que la chimie est la vraie souveraine de cette guerre. Beaucoup d’autres choses encore contribuent à ne faire de la conflagration actuelle qu’une simple expérience de chimie. Le produit qui sortira finalement de la combinaison effervescente qui agite présentement le creuset européen, liberté harmonieusement diverse ou « organisation » uniformisée par la schlague, dépend surtout des élémens chimiques que l’une et l’autre partie pourront verser dans cette flamme où se forge l’avenir humain. Je voudrais donc examiner aujourd’hui ; sous quelques angles nouveaux les ressources respectives des belligérans dans la guerre chimique.
Depuis que le fer arme les mains des combattans, c’est-à-dire depuis la préhistoire, on peut dire que la guerre n’existe que par la chimie. La métallurgie qui, des pierres mates, fait sortir le métal brillant et perçant, est en effet tout entière fondée sur les opérations chimiques qui tendent à réduire les sels métalliques, oxydes ou sulfures, constituant les minerais. Vulcain n’était rien autre qu’un chimiste. Et si les anciens avaient compris quelque chose à la guerre, ce n’est point de l’éphèbe Mars qu’ils eussent fait le dieu des combats, mais du boiteux mari de Vénus. Il est vrai que de leur temps l’appel moderne : « Des canons, des munitions ! » ne retentissait point dans les cités. En fait de canons, ils ne connaissaient que celui des éclipses, et l’on n’avait point vu chez eux de peuple dont les savans, — qu’on appelait alors des philosophes, — n’eussent le cerveau tourné que vers les moyens de massacrer leur prochain. Les Germains n’étaient point encore déchus jusqu’à n’être que des Allemands.