Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 30.djvu/317

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

JEUNE FILLE.


— Tu es mon enfant.

Et, de ses bras puissans, elle m’attire contre sa poitrine et je sens ses larmes dans mes cheveux.

  • *

J’ai voulu passer une nuit dans la chambre de Jamine avant de quitter tout ce que j’aimais, pour si longtemps. Je suis resiée à la fenêtre; la lune éclairait le jardin et la chambre où tout est resté ainsi que Jamine l’avait voulu : les livres, la table à écrire, les herbiers, les cadres de papillons brillans, les belles images saintes et le lit vide, étroit et si pâle sous son couvre-pied d’un bleu d’argent. Chaque jour, près de ce lit, Yannik apporte un bouquet offeft par la saison.

Le jardin renaît à la vie ; les premiers arbres blancs se sont brusquement épanouis comme des rêves éphémères; les petites fleurs des bois et des prés sortent leur nez et se regardent et se demandent : « Suis-je en retard? Suis-je en avance? Ahl ma chère, il fait encore froid... » et le toit du manoir lui-même se met à revivre, car les premières pousses des vieux rosiers s’empourprent, allongent leurs jets rougissans et font ressembler lademeure àquelque récif séculaire coiffé d’un chapeau de corail. Ce soir, la lune blanche baigne au fond du jardin tout noir le frêle et doux prunier aussi blanc que sa lumière. Le froid nocturne est pur ; tout est mystérieux et très tendre, et cette petite chambre vide ne m’apporte pas de désolation. Je veille avec un cher fantôme, une douceur étrange m’environne ; et tout est calme, et tout est beau. Et, dans le silence plein de secrets où tant de vies s’apprêtent à surgir, est-ce que je n’entends pas la voix d’un rossignol? Un rossignol? au dernier jour de mars?... C’est impossible...le rossignolet chante en mai. Alors, qui chante ainsi dans l’ombre et quelle est la voix dont les trois premières notes espacées et si fraîches disent : « Cœur! ô cœur I ôcher cœur... » et dont la plainte pénétrante continue : « Cœur, ô cœurl il te faut supporter de renaître, et peut-être de souffrir encore... ô cher cœur ! »

J’ai relu la lettre de ma grand’mèrc. Je l’ai comprise, il me