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JEUNE FILLE. 315

j’ai « du tact et de la délicatesse. » Il vous dira aussi que c’est bien son tour de vous avoir à lui tout seul. Et n’allez pas croire que je ne suis pas contente de votre mariage; ne croyez pas cela, petite maman; de votre bonheur, je suis profondément heureuse, et c’est pourquoi je ne veux pas, par ma présence, encombrer ou gêner ce bonheur.

Vous savez bien que j’ai toujours été un vieux garçon un peu fou.

Pardonnez-moi.

Pardonnez-moi; je vous écrirai tout le temps; je vous enverrai des dépêches. Je penserai à vous à tous les battemens de mon cœur, à toutes les minutes de ma vie. A jamais, votre délicieux et cher visage habite mon souvenir et mes yeux. Croyez que je vous aime, ô maman I et que jamais je ne vous ai autant aimée, ma chérie, ma jolie, ma douce, ma si tendre maman. Ne doutez pas de votre fille qui est toute à vous et dont la plus grande félicité sera de vous savoir contente. Ne me grondez pas. Absolvez-moi comme lorsque j’étais enfant. Imaginez-vous que je suis redevenue toute petite et que vous me prenez dans vos bras; ils me tiennent et me protègent; à travers mes yeux demi-clos, je vous vois ; je respire votre parfum adoré et, dans votre sein que votre cœur soulève, je plonge ma tête et je vous écoute vivre, respirer et m’aimer. Oh! ne desserrez pas vos bras, laissez-moi pleurer dans leur ombre... Que ne suis-je encore, « pour de bon, » votre petite, toute petite fille, si choyée, tellement gâtée, que vous berciez si tendrement contre votre poitrine embaumée, et qui vous disait, mais sans vous quitter, ens’endormantsur vos genoux, d’une si faible voix qui défaille : « Adieu, maman. »

Gérard d’Houville.