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pacifique, si profitable au bien des alliés ainsi que de toute l’Europe. »

On ne s’inquiète donc pas plus de la visite de l’empereur d’Autriche à Berlin qu’on ne s’est inquiété de celle du roi d’Italie. On attendait avec plus de curiosité celle de l’empereur de Russie annoncée pour le mois d’octobre. On espérait qu’elle amènerait un peu de détente dans les rapports des deux pays, refroidis depuis longtemps par les diverses causes que nous avons exposées et plus récemment par les attaques de la presse allemande contre la situation financière de la Russie. Mais, après le départ du Tsar, on constate « qu’il s’est montré très froid et a laissé trop voir qu’il était venu contre son gré et uniquement par convenance, que la détente n’est qu’apparente, et que la visite ne modifie pas le fond des choses. »

Il n’y avait rien en tout cela qui pût amener un dissentiment entre l’Empereur et le chancelier. Mais, par ailleurs, des points noirs surgissaient. A la suite d’une conversation d’Herbert de Bismarck avec le grand-duc de Bade, celui-ci se plaignait à l’Empereur des impertinences du fils du chancelier dont il dénonçait « le tempérament brutal et emporté. » À cette occasion, le chancelier déclarait dans son entourage que si l’Empereur blâmait son fils, il le défendrait. « Il le considère comme le dépositaire de ses pensées intimes et le continuateur de son œuvre. » Le grand-duc signalait aussi à l’Empereur les périls de la politique agressive et funeste que Bismarck pratiquait contre la Suisse par des mesures douanières qu’il poussait jusqu’à fermer la frontière d’Argovie, au risque d’altérer les bonnes relations qui existaient antérieurement entre l’Allemagne et la Confédération helvétique et de jeter la Suisse dans les bras de la France.

L’Empereur aurait pu couper court à ces querelles en faisant acte d’autorité. Mais la conséquence ne serait-elle pas la retraite de Bismarck ? Il reculait encore devant cette éventualité, ayant besoin du chancelier pour obtenir les crédits militaires qu’il demandait au Reichstag. En attendant, et tout en multipliant envers lui les témoignages extérieurs de déférence, il accomplissait certains actes sans le consulter. L’un de ces actes combla de joie les ennemis de Bismarck. Depuis longtemps, Guillaume II s’était promis de remplacer le ministre de la Guerre, le général Bronsart de Schellendorf, par un homme complètement à lui. Son choix se porta sur le général Verdy du Vernois et le