Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 30.djvu/396

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mercredi 15 juin.

… Hier, bonheur complet pour le Prince. À l’heure du déjeuner sont arrivées des lettres de Florence. Il en avait déjà reçu une le matin. Il y avait une lettre de son père du 8, et une du 7, d’une jolie petite écriture bien fine, bien serrée, de grandes pages bien remplies. Aussi a-t-il été fort gai toute la journée…

Mardi 21 juin.

À son coucher, la Reine m’a dit « que tous les gens qui lui écrivaient lui demandaient si le Prince se mariait décidément. Elle était embarrassée de répondre, tant que son mari n’en est pas d’accord. Une fois, il dit oui, une fois non, et elle pense qu’il ne saura jamais se décider, surtout par la nécessité de faire quelque chose pour son fils en le mariant : ensuite, elle se demande si le prince de Montfort a de la fortune ou s’il est fou ? Il achète des chevaux, jette de l’argent par les fenêtres, ne trouve rien assez grand, assez beau pour lui, et, dans d’autres momens, dit qu’il n’a rien… »

Mardi 28 juin.

Dimanche, en sortant de déjeuner, nous avons eu la visite de M. Stalé de Frauenfeld avec sa femme, jadis la bru de Sauter. Elle a été un moment bien avec le Prince. Elle amenait son petit garçon dont il est le parrain. Je m’explique à présent pourquoi des libertins comme le Prince se font aimer. Cette émotion que toute femme leur inspire, ils l’éprouvent réellement, et la témoignant, lui, avec toute la sensibilité de son âme, on se croit aimée, et on l’aime… Cette femme a été une fantaisie du moment… Elle l’aime encore… Ses yeux étaient remplis de larmes en les fixant sur lui. Il n’aura rien vu, sinon qu’elle est moins jolie qu’autrefois… Les hommes !… quelle engeance !… et, pourtant, il faut de la force pour leur résister, pauvres bêtes que nous sommes.

Jeudi 30 juin.

… Mercredi, la Reine m’a appelée chez elle. Le Prince avait organisé une promenade en bateau pour le soir. En revenant, on a fait des petits jeux. Le Prince est bien vite allé reprendre sa place près de Mlle Louise de Crenay. Anna, assise à côté de moi, en face d’eux, était fort scandalisée de voir toujours le