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Arenenberg, dimanche 18 septembre.

Nos amis Long nous ont mis en route le matin. Nous nous sommes arrêtées pour dîner près de la cascade de Schaffhouse, à laquelle nous nous sommes rendues à pied du côté de la Chambre noire. Laure a eu une peur affreuse en traversant sur un petit bateau pour nous rendre du côté de Laufen, d’où la chute est plus belle… Il était plus de neuf heures quand nous sommes arrivées à Maunbach. Les chevaux reculant encore dans cette route rapide qui est assez dangereuse, j’ai mis pied à terre et j’ai couru à Arenenberg envoyer les gens d’écurie au secours… J’ai été fort bien reçue par tous les domestiques. Tout était éclairé, on dansait au salon. Nous avons bien vite gagné ma chambre où nous avons trouvé Fanny… Comment dire le bonheur que nous avons eu à la revoir et à nous trouver à nous trois ?… Je suis descendue chez la Reine, qui m’a reçue a merveille, je lui ai ensuite amené Laure, qui a été enchantée d’elle. Je mettais de la coquetterie à ce qu’elles se plussent réciproquement, et cela n’a pas manqué. Laure a eu un plein succès. Je lui avais recommandé d’être coquette, et elle m’a obéi complètement. Aussi tous ces Messieurs la reluquaient-ils joliment. M. Parquin m’avait écrit un mot, pour savoir quand la Reine voudrait recevoir M. Amable Girardin, colonel de cuirassiers en garnison à Neubrisach.

Ne sachant s’il serait bien aise qu’on sût sa visite, elle le reçut dans sa bibliothèque dans l’après-midi et causa longtemps seule avec lui, mais, comme il était intime avec la duchesse de Raguse et son neveu Alphonse de Perregaux, qui était à Arenenberg, il ne fît nulle difficulté de paraître, ni d’accepter l’invitation que lui fit la Reine de passer quelques jours avec nous. C’est un homme de quarante-deux ans. Il est très gai et très aimable, s’il ne disait pas toujours des polissonneries… Mais je lui sais gré de son dévouement pour la Reine. Notre connaissance a été bientôt faite avec le vieux marquis de Beauharnais et sa fille Hortense. Ils étaient déjà bien avec Fanny, et nous avons bientôt été les meilleurs amis du monde. C’est à tort que Mlle Hortense passe pour l’aide ; elle a de jolis cheveux blonds, de beaux yeux, une physionomie agréable et devait être charmante avant sa petite, vérole. Elle est distinguée et plaît à tout le monde. Malheureusement, elle est dans un état de santé affreux,