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prendre ceux à qui le Roi a offert le pouvoir dans ces conditions. Pendant plusieurs jours, il a cherché des ministres; tous se récusaient : d’abord M. Zaïmis, qui n’est pas un homme de coup d’État, puis M. Rhallys, qui ne l’est pas davantage, mais sur lequel on a un moment compté parce qu’il s’est brouillé avec M. Venizelos. Enfin le Roi a mis la main sur M. Skouloudis, qui n’est pas à proprement parler un homme politique, mais plutôt un diplomate et qui, arrivé aujourd’hui à un âge avancé, semblait avoir renoncé aux affaires. M. Skouloudis est d’ailleurs un homme modéré, sympathique, indépendant par sa fortune et par son caractère : on ne peut pas le regarder a priori comme un adversaire de M. Venizelos, qui l’avait choisi pour second à la conférence de Londres. En revanche, tout le reste du ministère étant conservé, on y introduit un homme nouveau, M. Michelidakis, ennemi d’autant plus acharné de M. Venizelos que, Crétois tous les deux, ils ont toujours combattu l’un contre l’autre. En somme, M. Skouloudis entre dans le ministère pour rassurer les Alliés; M. Michelidakis y entre contre M. Venizelos, et le général Yannakitsas, ministre de la Guerre, y reste contre la Chambre : ces trois traits suffisent pour caractériser la politique du Roi dans sa persévérance, dans son entêtement. Nous serions très en peine de dire ce qui en résultera. Les dernières nouvelles présentent la dissolution comme de plus en plus probable : alors, c’est l’aventure.

Ce qui nous touche personnellement dans cette crise, ou plutôt dans ce conflit, c’est le trouble qui peut en résulter, non pas pour la situation intérieure de la Grèce, mais bien pour sa situation internationale, que nous envisageons plus particulièrement dans ses rapports avec nous. Il n’est que juste de reconnaître, et nous le faisons volontiers, que M. Skouloudis s’est empressé d’user des meilleures formes envers les Alliés. La note qu’il a fait remettre à Londres, à Pétrograd, à Rome et à Paris vaut la peine d’être reproduite en son entier; elle est ainsi conçue : « Veuillez donner à M. le Président du Conseil l’assurance, de ma part, la plus formelle de notre ferme résolution de continuer notre neutralité avec le caractère de la plus sincère bienveillance vis-à-vis des Puissances de l’Entente. Vous voudrez bien ajouter que le nouveau Cabinet fait sienne la déclaration de M. Zaïmis au sujet de l’attitude amicale du Gouvernement royal vis-à-vis des troupes alliées à Salonique, qu’il a trop conscience des vrais intérêts du pays et de ce qu’il doit aux Puissances protectrices de la Grèce pour s’écarter le moins du monde de cette ligne de conduite, et que, dès lors, il espère que les sentimens d’amitié de ces Puissances pour la Grèce ne