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ceux qui s’intéressent au sort de la Serbie comme une terrible douche d’eau froide. Son avis était évidemment qu’il n’y avait rien à faire, parce qu’il était trop tard et que, quelque diligence qu’on y mît maintenant, on arriverait quand tout serait fini. L’impression produite a été vive; on s’est demandé si l’opinion de lord Lansdowne était définitivement celle du Cabinet anglais dont il fait partie. Une discussion nouvelle était nécessaire ; elle a eu lieu le 2 novembre à la Chambre des Communes; M. Asquith y a pris la part principale. Il a parlé, suivant son ordinaire, avec une grande franchise et a avoué tout de suite que cette guerre avait été « féconde en surprises et en désenchantemens. » La déception a porté plus particulièrement sur les Dardanelles, et à ce sujet nous pouvons dire que ce n’est pas nous qui avons eu l’idée première de cette expédition. L’Angleterre nous y a entraînés avec elle ; nous ne pouvions pas l’y laisser aller sans nous. Au reste, l’idée même de l’expédition était fort bonne ; c’est l’exécution qui a fait défaut. Bien des fautes ont été commises, mais à quoi bon y insister maintenant? M. Asquith a dit, peut-être à titre de circonstance atténuante, que nos forces dans la péninsule de Gallipoli, retenaient 200 000 Turcs. Soit, mais la question est de savoir si on ne combattrait pas mieux ces 200 000 Turcs ailleurs. L’épreuve que nous avons faite de la péninsule de Gallipoli n’encourage pas à y persévérer. Il ne faudrait cependant pas croire que, si l’Angleterre nous a entraînés dans la péninsule de Gallipoli, nous lui rendons la pareille en Serbie. Rien n’obligeait à aller dans les Dardanelles, tandis que c’était un devoir d’aller à Salonique. Dans quelles conditions ce devoir s’est-il présenté et imposé à nous? Sur ce point, M. Asquith a donné quelques renseignemens qui n’étaient sans doute pas inédits, mais qui n’avaient pas encore été présentés avec autant de clarté. Il n’est pas sans intérêt de les résumer ici.

M. Venizelos, il ne faut pas l’oublier, était alors à la tête du gouvernement hellénique ; il avait dans la Chambre une majorité que le pays, après une consultation solennelle, venait de lui donner; sa position semblait donc solide. La mobilisation bulgare a eu lieu subitement : c’était la guerre contre la Serbie. M. Venizelos avait en main le traité qui liait la Grèce à cette dernière, et il considérait qu’il y avait là un engagement d’honneur à tenir, en même temps d’ailleurs qu’un intérêt hellénique à défendre. Le parti à suivre ne faisait pas doute à ses yeux; mais, sentant toute la gravité des circonstances, il estimait prudent de prendre toutes les précautions et de s’assurer toutes les garanties possibles. Si le casus fœderis qui obligeait la Grèce