Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 30.djvu/487

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

profondeurs de son histoire. Cette idéologie n’est pas l’œuvre d’un jour : elle a mis plus d’un siècle à se former ; d’un homme : une foule d’ouvriers en ont préparé les parties comme achevé l’ensemble. Elle a grandi avec et par l’état social et politique qui l’a vue naître. Telle qu’elle se présente aujourd’hui, elle est la résultante d’idées qui, venues des points divers de l’horizon, ont fini par se rejoindre. Une analyse rigoureuse va nous permettre d’en retrouver les élémens.

Le premier est la notion de race.

On peut dire que, dès ses origines, l’Allemagne a eu le sentiment confus de cette communauté ethnique. Mais ce sentiment ne se précise, ne se développe qu’au moment où, consciente de ses divisions et de son impuissance, elle cherche un principe d’unité qui la rassemble. Dans ce miroir brisé qu’offre alors sa structure politique, la race n’est-elle pas l’idéale image où elle se retrouve ? Proclamée à la fin du XVIIIe siècle par ses écrivains, reprise aux débuts du XIXe par les philosophes, la doctrine est surtout l’œuvre de l’école historique. Waitz, Giesebrecht, Sybel, puis Lamprecht, les grands théoriciens de la race, les voici. Et que découvrent-ils ?… Une race primitive. — De tous les rameaux nés de la vieille souche indoeuropéenne, nous tenons le plus ancien. Conquête précieuse dont la philologie a enrichi l’histoire ! S’il est vrai qu’il y ait « une foule de mots communs aux peuples germaniques qui ne se trouvent pas dans la langue des autres peuples, » ces mots ne peuvent venir que « d’un peuple primitif allemand. » « La langue germanique, remarquera Haeckel, est le tronc dont sont sorties toutes les langues aryennes. » — Une race pure. — Les grands empires de l’Orient, l’hellénisme, le monde romain, les peuples modernes sont des croisemens. Celle-ci est sans mélange, Nulle souillure de l’étranger. Elle a essaimé sans se laisser envahir. Elle a conquis sans être conquise. Les anciens Germains, qui croyaient descendre des dieux, n’avaient-ils pas le sentiment de cette noblesse ? A son tour, à travers les pénombres du passé, la science moderne perçoit les traits distinctifs, permanens, de la race, sa physionomie physique comme sa physionomie morale. Elle est grande, blonde, pacifique et sentimentale. « Les Allemands, remarque Waitz, ne doivent rien aux populations qu’ils trouvent antérieurement établies sur le sol qu’ils occupent… Dès le commencement de son histoire, le peuple