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aux relations sociales les idées de droit et de justice, de coordination et d’accord, et contre l’unité inflexible du mécanisme, défini l’unité harmonieuse de la vie, sauvera l’héritage de l’antiquité et du christianisme. Et s’il est vrai que nos erreurs intellectuelles aient leur contre-coup sur notre avenir moral, ce qu’elle défend encore, avec les saines méthodes de la spéculation, c’est la noblesse de l’homme. C’est pour ou contre cet idéal que les peuples qui nous regardent sont appelés à choisir.

Car il faut choisir. — L’histoire a-t-elle une « fin ? » L’humanité est-elle en progrès… ? Les anciens ne le croyaient pas qui plaçaient l’âge d’or dans le berceau des peuples. Notre rêve est devant nous ; et nous savons bien qu’inquiets de le poursuivre, nous serons peut-être impuissans à l’atteindre. Mais cette aspiration même est notre honneur. Dans ce remous de faits, cette houle de momens, de créations, de destructions, que l’histoire nous révèle, que peut-elle nous montrer, sinon l’instable et le relatif ? Nous voulons nous diriger dans ce chaos, voir clair dans ces ténèbres. Il nous faut une lumière comme un principe d’action. Et c’est pourquoi, au-delà du réel, nous chercherons toujours le possible, et, au-delà du possible, le désirable. Oui, nous voulons un sens à l’histoire comme à la vie. Oui, nous concevons une « fin, » c’est-à-dire un ordre. Mais cet ordre, quel sera-t-il ? Celui de la matière ou celui de l’esprit ? De l’évolution inconsciente et aveugle ou de la raison et de la conscience ? Subirons-nous la tyrannie de la force ou mettrons-nous la force au service du bien ? Le monde sera-t-il organisé par le mécanisme ou la coopération ? Par la guerre, la barbarie, ou par ces idées de droit, de devoir, de justice dont nous portons en nous l’impérissable empreinte ? L’humanité sera-t-elle enfin livrée au règne de la Bête, se résignant, inerte et passive, à la fatalité du mal et à la pire des servitudes, ou verra-t-elle, avant de disparaître, se lever l’aube du royaume de Dieu ?

Il dépend de nous d’en avancer l’heure. Notre choix est certain, comme notre espérance invincible. — Travaillons.


IMBART DE LA TOUR.