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« Nous écartions les Prussiens à coups de fusil, raconte le commandant Geynet. Mon petit bonhomme a bien pris son temps, puis a laissé dériver son radeau, sur lequel les Prussiens se sont acharnés, et il est revenu en nageant entre deux eaux. »

La médaille militaire l’attendait sur la berge. Au matin, le commandant monta sur le parapet pour voir l’effet de l’explosion. « On m’a tiré dessus pendant dix minutes, écrit-il, ça sifflait, mais ils sont maladroits : les matelots riaient en voyant que je faisais signe aux Boches que leur tir passait trop à ma droite. » Et l’on peut une fois de plus trouver bien téméraires ces officiers supérieurs qui s’amusent à se faire prendre pour cible par l’ennemi. Ceux qui leur font ces reproches ne soupçonnent pas la vertu de certaines démonstrations, parfaitement vaines en apparence : à la guerre, vingt exemples récens en témoignent, l’ascendant moral s’acquiert par les actes de cette sorte, dont c’est souvent la seule utilité. Sur le moment, d’ailleurs, il était malaisé de se rendre compte des effets de l’explosion : l’eau avait gagné Beerst-Bloot, mais l’infiltration se faisait lentement. C’est un peu plus tard que le commandant Geynet apprit que l’opération avait pleinement réussi : l’éclusette Nord de Dixmude avait sauté. « Les Allemands ont pris un grand bain dans leurs tranchées, écrit-il à la date du 1er décembre : ils les ont abandonnées. Ce n’est pas encore là qu’ils perceront la ligne. »

L’ennemi lui-même, après réflexion, semble s’être rangé à cet avis. Il ne croit plus que la chute de Dixmude lui ouvrira le chemin de Calais. La réalité a dissipé ces fumées : sa coûteuse victoire du 10 est une victoire sans lendemain et l’aveu en sera fait par un de ses propres journaux, le Lokal Anzeiger, dont on connaît les attaches officieuses. « Notre armée, dit cet organe, n’a pu réussir à profiter de l’occupation de Dixmude, mais seulement à s’y fortifier[1]. »

C’est le glas des espoirs allemands dans cette région. La bataille de l’Yser continue, mais son siège ou du moins le principal de son effort est transporté autour d’Ypres et devant les écluses de Nieuport. Cependant, comme si l’ennemi n’entendait pas nous faire grâce d’un seul jour, il canonne encore notre arrière avec son artillerie lourde. Cela prend si bien la tour-

  1. Cité par le Gaulois du 18 novembre.