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canton. Elle parle d’alarmes, d’inquiétudes, et décide la fabrication d’un pain national avec des farines d’un type unique tirées des blés qui devront fournir 85 pour 100 de cette mouture uniforme. Ces dispositions, si conformes aux véritables principes de l’égalité, doivent anéantir enfin la disproportion barbare qui a si longtemps existé entre la substance nutritive du riche, et celle qui servait à alimenter la classe indigente des citoyens… Mais les craintes persistent et la disette se fait sentir !

La Commission des subsistances rédige à ce propos une circulaire qui porte la date du 29 décembre 1793 ; elle déclare qu’elle est assaillie par une quantité incroyable de demandes et de députations ; elle avoue même que le mal a sa source dans la fausseté des déclarations, dans l’inégalité de la répartition des subsistances entre les communes, et entre les districts…

C’est en vain qu’un décret du 9 août ordonne l’établissement, dans chaque district, d’un grenier d’abondance, et la création de fours publics. Six mois après, la Commission des subsistances reconnaît que les résultats espérés n’ont pas été obtenus. Certains districts n’ont pas établi de greniers d’abondance sous prétexte qu’ils n’avaient pas de grains à y déposer. D’autres ont désigné un local sans s’occuper du choix d’un garde-magasin. Les renseignemens parvenus à la Commission sont partiels, inexacts ou insignifians !

Sans doute, les réquisitions et les achats à l’étranger devaient permettre d’assurer l’abondance et de triompher des difficultés que l’Etat voyait se dresser devant lui…

Nous savons qu’en fait les deux formes de l’intervention gouvernementale avaient eu les plus fâcheuses conséquences. C’est le Comité de l’approvisionnement qui fut contraint de l’avouer, moins d’un an après la mise en vigueur de tous les décrets dont nous avons parlé.

Forcé de vendre au prix du maximum les denrées qu’il achetait au dehors, en acceptant les cours fixés par la concurrence, l’État vendait à perte. Dans les départemens, les maux étaient plus grands de jour en jour.

En vain ordonnait-on d’approvisionner les marchés : « Il n’y a point de marchés, disait le rapporteur du Comité, là où l’on ne peut débattre les prix. » Ces marchés étaient déserts. D’autre part, l’abus des réquisitions se faisant sentir davantage parce que le nombre des agens à employer était infini, le choix