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ultérieure. » Que valent ces demi-promesses? L’avenir le dira, s’il se présente dans des conditions où la Grèce n’aura plus rien à craindre. Pour le moment, elle craint tout. M. Zaïmis, qui parlait officiellement, s’exprimait avec une modération étudiée. Depuis, M. Rhallys, dans une interview avec le correspondant du Daily Mail à Athènes, n’a sans doute rien retiré de ces promesses, mais, dans l’épanchement d’un langage qui n’avait plus rien d’officiel, il a laissé voir toute son épouvante. M. Rhallys, ministre de la Justice, est, avec M. Skouloudis, l’homme le plus important du Cabinet : ses paroles ont donc un intérêt particulier. Comme son interlocuteur invoquait le vœu du pays : « Le vœu du pays, s’est-il écrié, je vais vous dire ce qu’il est : attendez !» Et il sortit précipitamment de la pièce où avait lieu l’interview. Il y rentra une minute après avec un vieux numéro de l’Illustration, où une image représentait des cadavres de Grecs décapités et mutilés, et des décombres de villages mis à sac par les Bulgares. « Voilà, dit-il avec émotion : le vœu du pays est d’éviter cela. Nous ne voulons pas devenir une autre Belgique, une autre Serbie. La Serbie, nous l’aimons! Mais, quand votre père, ou votre femme, ou votre frère, ou quelqu’un qui vous est cher se noie, vous voudriez bien sauter à l’eau vous-même ; mais vous devez cependant vous assurer d’abord que l’eau n’est pas trop profonde et que votre effort n’aboutira pas à un sacrifice inutile. » Ce que M. Zaïmis avait dit en style diplomatique, M. Rhallys le répète en style mélodramatique : au fond de leur pensée, leurs sentimens sont les mêmes. La Grèce se trompe d’ailleurs sur l’inefficacité à laquelle son intervention était irrémédiablement condamnée. Et nous en dirons autant de la Roumanie. Rien n’est plus imprudent que l’entreprise des Austro-Allemands dans les Balkans, même avec l’appui des Bulgares. Si la Roumanie et la Grèce avaient annoncé la résolution de s’y opposer avec celui des Alliés, leur succès était aussi assuré que les choses humaines et militaires peuvent l’être. Bien mieux : jamais les Austro-Allemands n’auraient tenté l’aventure. Malheureusement, ils ne l’ont pas fait. Là est la faute initiale, la défaillance qui a entraîné tout le reste. Pour l’éviter, il aurait suffi d’un peu plus de cœur : mais le cœur a manqué.

Aussi ne pouvons-nous pas plaindre la Grèce de l’embarras où elle se trouve. Une situation fausse est toujours embarrassante, et c’est pourquoi il ne faut pas s’y mettre: la Grèce s’y est mise, les conséquences suivent avec cette logique immanente des choses contre laquelle rien ne prévaut. Nous avons notifié à Athènes que nous ne