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son gré de son sort et de son avenir. Les Puissances alliées lui ont offert de participer à la victoire et à la récolte des fruits. Elle a refusé. Les Puissances de l’Entente, qui ont huit ou dix millions d’hommes sous les armes, remporteront la victoire sans la Grèce. La seule chose qu’elles lui ont demandée est de conserver à sa neutralité, le caractère bienveillant qu’elle a promis formellement et de continuer à accorder les facilités spéciales qu’elle s’est engagée à donner. En somme, la situation se résume en ceci : que chacun soit fidèle à ses promesses et toutes les difficultés seront écartées. » A lire les remerciemens chaleureux que le journal Patris a adressés à M. Guillemin, après avoir reçu de lui ces explications rassurantes, on peut juger combien avait été vive l’alarme de l’opinion hellénique. Les Grecs d’aujourd’hui sont les plus pacifiques des hommes, Nous ne les entraînerons pas de force dans une guerre dont la seule pensée les fait tomber en syncope. Nous leur demandons seulement de nous laisser largement ouverte la porte où ils nous ont appelés eux-mêmes et qui ne peut plus être fermée qu’avec notre consentement. Mais il faut qu’elle soit ouverte et non pas seulement entrebâillée.

C’est à nos alliés et à nous de juger de ce que nous avons à faire à Salonique, et sur ce point, comme nous l’avons dit en commençant, la lumière n’est pas encore faite : il y aurait toutefois quelque chose de déconcertant et qui, confessons-le, ne serait pas de nature à faire prendre nos gouvernemens au sérieux si, après la négociation que nous venons de poursuivre obstinément à Athènes, après le voyage de M. Denys Cochin, après celui du maréchal Kitchener, après notre note au gouvernement hellénique pour lui demander notre pleine liberté d’action, nous venions dire que cette liberté, nous n’avons pas l’intention d’en user et que, satisfaction nous ayant été donnée sur le principe, nous nous en allons comme nous sommes venus. Un pareil dénouement ne donnerait pas une très haute idée de notre consistance morale, et nous espérons qu’il n’aura pas lieu, car il risquerait d’être sifflé. Nous savons bien que le but principal de notre expédition à Salonique était de secourir la Serbie et que notre effort, trop tardivement opéré, trop mesquinement mesuré, est resté impuissant. Nous avons assisté, avec l’angoisse au cœur, à la retraite des Serbes qui se sont une fois de plus couverts de gloire, mais dont la vaillance n’a pas été récompensée. Elle le sera un jour sans nul doute; un peuple qui a montré d’aussi hautes vertus militaires et politiques a l’avenir pour lui; il n’a pas voulu périr, il ne périra