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COMMENT S’EST FAITE L’INVASION
DU
GRAND-DUCHÉ DE LUXEMBOURG[1]

L’occupation du territoire luxembourgeois, qui marqua le début des hostilités dans la guerre actuelle et fut le premier acte par lequel l’Allemagne manifesta son mépris des traités, a donné lieu aux récits les plus fantaisistes. Entre la légende qui représente une jeune souveraine barrant elle-même l’entrée de sa capitale au flot de l’invasion et le reproche fait à la grande-duchesse Marie-Adélaïde d’avoir ouvert son palais à l’impérial et trop redouté visiteur, se placent beaucoup d’anecdotes qui tendent à donner une fausse idée de la mentalité du petit peuple pris à la gorge par l’étreinte teutonique. On ne trouvera peut-être pas inutile qu’un témoin oculaire fasse un exposé impartial des faits tels qu’ils se sont vraiment passés.

Etait-ce ignorance du danger ou insouciance à l’égard de ce qui ne peut s’éviter, les Luxembourgeois ne se préoccupaient guère de l’orage qui, depuis une dizaine de jours, grondait à l’Orient, loin de leurs frontières.

Cependant, M. Eyschen, ministre d’État, président du gouvernement, interrompant sa cure à Évian, rentrait à Luxembourg dans la nuit du 29 au 30 juillet. Lorsque les inquiétudes

  1. Le comte V. van den Steen de Jehay, auteur de cet article, était ministre de Belgique à Luxembourg au moment de l’entrée des troupes allemandes dans le Grand-Duché. Sa présence y fut « tolérée » pendant quelques jours après l’expulsion du représentant de la France, M. A. Mollard. Le récit du comte Fr. de Jehay est de ceux qui mettent les choses au point par la précision des détails et l’impartialité des appréciations.