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En 1393, les troupes turques avaient pris la capitale bulgare de Tirnovo et transformé la Bulgarie en un simple pachalik-Constantinople avait été en même temps bloquée à nouveau de toutes parts par l’armée et la flotte ottomanes.

Sur les supplications de Manuel, l’Europe égoïste s’était enfin réveillée. Une croisade s’était organisée en hâte dont la plus belle chevalerie française formait le noyau. Elle n’avait abouti qu’au désastre fameux de Nicopolis sur le Danube. Au mois de septembre 1396, l’armée chrétienne commandée par le comte de Nevers, le futur Jean sans Peur, et le roi Sigismond de Hongrie, avait été anéantie par les forces écrasantes de Bajazet. Le blocus de Constantinople, un instant levé par le sultan, avait été aussitôt rétabli dans toute sa rigueur.

Je glisse sur les événemens des quatre années suivantes. Ils seront rappelés dans la suite de mon récit. Qu’il me suffise de dire que leur gravité, sans cesse croissante, décida, à la fin de l’an 1399, le basileus Manuel à entreprendre le voyage de Venise, de Paris et de Londres pour implorer personnellement le secours des rois d’Occident contre son impitoyable adversaire. C’est ce curieux épisode qui forme le sujet du présent article.


I

Bien peu parmi les empereurs de Constantinople, en dehors de ceux de la courte dynastie latine du XIIIe siècle, ont fait le voyage d’Occident. Seuls trois Paléologues sont venus jusqu’en Italie ou en France rechercher contre les Turks l’appui du Pape ou des souverains d’Occident. Un seul, celui dont nous allons plus particulièrement parler, est allé jusqu’à Paris.

Le premier de ces princes qui accomplit cette lointaine odyssée d’Occident fut Jean V Paléologue qui, en 1369, se rendit avec un de ses fils à Rome pour y sceller l’Union et se concilier ainsi l’alliance du pape Urbain V et des princes latins contre le terrible sultan Mourad. Tout le monde sait qu’arrivant comme en triomphe en Italie, il fit à Rome, dans les journées des 18 et 19 octobre, une profession de foi orthodoxe, d’abord en présence de quatre cardinaux, puis le lendemain à Saint-Pierre entre les mains du Pape et promulgua cet événement capital dans un chrysobulle fameux, tandis qu’Urbain V en avertissait les princes chrétiens par une encyclique. Le retour