Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 30.djvu/803

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

hommes tout à fait bons et disposés à nous être agréables. Enfin, nous sommes en France, et notre main court d’elle-même, s’efforçant de t’écrire ce qu’il faudrait pouvoir exposer de vive voix, car cela dépasse de beaucoup les limites d’une lettre. Notre lettre est commencée, mais pourtant elle essayerait vainement d’énumérer chaque chose. Nombreuses sont celles que le gracieux Roi nous a accordées, nombreuses aussi celles que nous avons obtenues de ses parens, des dignitaires de sa Cour et de son monde. Ils ont montré la noblesse de leur âme, leur affection pour nous et leur zèle solide pour la Foi. En nous résumant, si la jalousie habituelle de la mauvaise fortune ne nous envoie pas quelque coup imprévu, nous avons bon espoir de retourner bientôt dans notre patrie, comme tu le souhaites et comme nos ennemis le redoutent. »

Cette lettre, d’un tour si aimable, s’accorde parfaitement, comme le fait remarquer M. Berger de Xivrey, avec ce que dit en particulier le Religieux de Saint-Denys, des charmantes attentions que le roi et les princes du sang ne cessèrent d’avoir pour le basileus durant tout son séjour à, Paris, attentions dont le concours et la persévérance font honneur à une époque où l’on comprenait ainsi chez nous l’hospitalité. Le roi Charles VI surtout, ce séduisant et infortuné souverain qui eut, à l’arrivée de l’empereur, un long intervalle lucide de son affreuse maladie, multipliait sous mille formes, pour son hôte, l’expression de sa plus gracieuse courtoisie. Dès son arrivée, il lui avait assigné sur le trésor royal des sommes très considérables, suffisantes pour qu’il pût tenir un état de maison convenable à sa dignité. Tantôt, pour complaire à sa dévotion, il visitait avec lui les églises les plus renommées, les plus fameux monastères de la capitale, les reliques les plus vénérées, tantôt il lui offrait le plaisir de la chasse. Ils avaient aussi ensemble, par trucheman, des conversations fréquentes, tantôt en particulier, tantôt en conseil. En outre, Charles comblait son hôte et tous les personnages de sa suite, jusqu’aux plus infimes, des plus riches présens. Chose curieuse, M. Berger de Xivrey a retrouvé au Cabinet des Titres, à la Bibliothèque nationale, deux petites pièces de comptabilité qui, échappées à tant de causes de destruction, font aujourd’hui encore mention de ces nobles largesses. Toutes deux sont extraites des comptes du Trésorier royal, Charles Poupart, en l’an 1400.