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« Ce qui est évident, dit-il, c’est que l’administration de la Chine est aujourd’hui pourrie à l’excès. Les réformes ne sont manifestes que par leur absence, et la corruption a fait de grands progrès. Le capital (possédé par les Chinois du pays) s’accumule dans les banques européennes des ports à traité, à cause du manque de confiance dans le gouvernement, la situation financière est des plus précaires.

« En dépit de cette situation, on peut admettre que le gouvernement est plus fort qu’il ne le fut à aucun moment depuis la Révolution ; mais cette force est grandement due à l’appui à la fois moral et financier de l’étranger ; beaucoup d’étrangers seront désappointés, si Yuen Chekai se sert de ce concours pour satisfaire son ambition personnelle, alors que l’œuvre des réformes dans le pays a si manifestement avorté. »

En présence de ces faits et du départ nécessaire de l’Allemagne du consortium, les Puissances se verront nécessairement forcées d’abandonner le système impossible d’une action collective sur la politique financière et économique de la Chine et de chercher d’autres moyens. Il faut avouer que la tâche n’est pas facile à l’heure où toute leur attention et toutes leurs forces sont absorbées dans la lutte de géans qui se déroule en Europe.


Un événement nouveau : la perspective du retour à la forme impériale du gouvernement chinois, la proclamation de Yuen Chekai ou de son fils Yuen Koting, comme empereur, pouvait faire croire aux gens enclins à abuser de l’analogie que la situation devait s’améliorer par-là même. Jugeant, d’après ce qui s’est passé en France à la suite des bouleversemens de la Révolution, certains croient qu’un pouvoir fort et ordonnateur, un césarisme peut rétablir l’harmonie dans le chaos chinois.

C’est là une grande illusion. En effet, la France étant un peuple formé par son développement historique, par sa constitution administrative aux mœurs de la centralisation, et, de plus, vivant sur un territoire très peu étendu en comparaison de celui de la Chine, un pouvoir autoritaire communiquant une volonté ordonnatrice du centre aux extrémités, était, ainsi que l’histoire du Consulat et de l’Empire l’a démontré, éminemment capable de rebâtir sur des bases nouvelles l’édifice social écroulé. Comme nous l’avons vu, en Chine, il n’y a rien