Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 30.djvu/887

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Aussi dès 1907, ce pacifique Badois conseillait à ses amis de France de s’entendre au plus tôt avec l’Empereur pour fermer le marché continental à tous les intrus d’outre-mer ; sinon, la Kultur allemande, qui avait créé son industrie pour porter les arméniens de son Empire, serait bien obligée, — disait-il, — de mettre en œuvre ces armemens pour soulager et même sauver son industrie.

« Zollverband, Association douanière, » avait dit Guillaume II à ses Berlinois de 1891. En 1907, notre horloger eût considéré le Zollverband continental comme le salut des horlogers badois, de tous les industriels allemands, et comme le paradis de leur clientèle européenne, qui jouirait ainsi, pleinement, des produits de la Kultur et des bienfaits de l’organisation germanique. Mais il savait que le paradis n’est pas de ce monde : il se fût donc contenté d’un Kartellverband, d’une association internationale de kartells nationaux sous l’arbitrage des grands kartells germaniques.

Le kartell est une association des producteurs de même spécialité, qui s’imposent à eux-mêmes un quotient maximum de production ou de vente et qui veulent imposer des prix minima à leur clientèle. Le kartell fut une commodité de l’ère bismarckienne : il est devenu une nécessité du « nouveau cours. » C’est que, durant les vingt années dernières, une dissociation de plus en plus grande s’est faite entre l’industrie et le commerce allemands, même à l’intérieur d’une seule affaire : « La direction technique des firmes, dit M. V. Cambon, est le plus souvent distincte de la direction commerciale ; quelquefois même, industrie et commerce forment deux sociétés différentes, l’une étant chargée de vendre les produits fabriqués par l’autre ; on vise par-là à éviter les conflits journaliers, si fréquens dans les deux services. » On évite peut-être les conflits journaliers ; mais on évite aussi cette entente de toutes les heures, sans laquelle l’industrie ne répond plus aux demandes du commerce et, surtout, les dépasse : la production arrivant à ne plus avoir de rapport avec les besoins du marché, ce n’est plus la demande qui règle l’offre ; c’est l’offre qui prétend régir la demande et, par le moyen du kartell, imposer ses exigences.

« Actuellement, — écrivait M. V. Cambon dès 1908, — la concurrence est telle sur le marché allemand ou mondial que les producteurs ne comptent plus pour faire fortune sur les