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archipels, mais ces articulations restent exclusivement littorales ; on n’y trouve pas l’amorce naturelle de voies de pénétration dans l’intérieur ; la côte sera, de bonne heure, le théâtre d’une vie maritime active et dispersée, mais, jusqu’à ce que des efforts patiens de l’homme lui aient ouvert des accès artificiels, elle demeurera une façade isolée de tout l’arrière-pays.

Ainsi, la traversée des Balkans n’est nulle part aisée ; on ne voit nulle part se tendre sur la péninsule une de ces lignes qui semblent préétablies pour orienter l’histoire, celle de la porte de Bourgogne, entre le Rhône et le Rhin, celle du seuil de Dzoungarie, à l’Est de la Chine extérieure. Ici, les migrations et les conquêtes suivront les itinéraires brisés des rivières ; les routes se présentent comme des combinaisons d’élémens multiples, très divers, bien que très rapprochés ; la « géographie de la circulation » est dominée par cette loi générale. Le sillon principal des communications entre les plaines de Hongrie, la mer de l’Archipel et le Bosphore est formé d’une série de tronçons et emprunte l’une après l’autre les vallées de plusieurs rivières.

Négligeons un instant, pour plus de clarté, les défilés qui resserrent le chemin, peu à peu devenu, par une suite d’événemens qui ont forcé la nature, l’un des passages essentiels de l’ancien continent : la voie part de la jonction des eaux alpestres et hongroises, en amont des Portes de Fer ; elle est unique, dans la direction du Sud-Est, jusqu’au confluent que marque aujourd’hui la ville serbe de Nich ; puis elle se bifurque ; la branche occidentale gagne des bassins tributaires du Vardar pour aboutir au golfe de Salonique ; celle de l’Est traverse la plaine supérieure de l’Iskar, affluent du Danube, où est née la bulgare Sofia ; elle atteint ensuite le domaine de la Maritsa (Pliilippopoli, Andrinople), puis s’en écarte pour atteindre la mer de Marmara par des fissures d’un bourrelet côtier, là où ont poussé Rodosto et Constantinople. Sur cette ligne axiale, les embranchemens plus ou moins exactement perpendiculaires sont encore plus accidentés ; les routes du plateau, après des parcours capricieux en ligne brisée, doivent escalader au Nord la muraille des Balkans ; au Sud-Est, les détours se compliquent, le long des pistes qui visent les ports de l’Adriatique, Raguse, Antivari, Durazzo, Vallona. Mais, parfois, ces itinéraires tortueux permettent de tourner les grands obstacles : ainsi les