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Serbes défendent pas à pas leurs bassins et leurs forêts, boulevard de la chrétienté ; les Valois de France envoient à leurs chefs des ambassadeurs qui passent, malgré les aventures d’un pareil voyage, par les ports de l’Adriatique. Le Roi ordonna, en 1389, un Te Deum à Notre-Dame, sur la nouvelle que les Serbes avaient écrasé les Turcs à Kossovo : fausse joie, car les chrétiens avaient été battus, en fin de journée ; huit ans plus tard, la fleur de la chevalerie accourue d’Occident fut fauchée par les Turcs, à Nicopolis.

Maîtres de Constantinople, les Sultans firent de la péninsule des Balkans leur bastion avancé contre l’Occident ; à travers les défilés des montagnes, leurs bandes militaires, sous des beys, s’infiltrèrent dans les bassins fertiles ; leurs lieutenans s’y taillèrent des domaines, convertirent autour d’eux quelques notables indigènes et, par ces garnisons très dispersées, non sans des luttes qui restèrent presque toujours des incidens locaux, maintinrent la domination turque pendant quatre siècles. Parfois, les Ottomans voulurent aller plus loin, déboucher dans les plaines de l’Europe centrale ; une route militaire avait été tracée, sur les ordres de Soliman le Grand, de la mer de Marmara à Belgrade ; des armées turques, au-delà de Belgrade, atteignirent une fois les provinces alpestres des Habsbourg, une autre fois les environs de Vienne ; mais en général, les rencontres décisives se livraient dans l’angle du Danube et de la Save, Mohacz, Eszek, Peterwardein. Au début du XVIIIe siècle, le prince Eugène ferma l’accès de l’Autriche aux Turcs par les colonies slaves de ses « confins militaires ; » il n’était alors question que de dresser des obstacles entre l’Occident chrétien et les Balkans turcs ; Belgrade, perchée sur ses collines au-dessus des confluens de la Basse-Hongrie, était le suprême observatoire des Sultans.

Les échanges commerciaux entre l’Europe et le Levant se poursuivaient seulement par voie de mer, de Venise, de Marseille, avec l’aide d’intermédiaires grecs. Laissons ici de côté la Turquie d’Asie, extérieure à notre sujet ; il est clair que ces transactions ne supposaient pas de grands mouvemens de marchandises ; les pays balkaniques, sans être particulièrement gâtés par la nature, ne manquaient pourtant pas de ressources forestières, agricoles, minières ; mais ils étaient condamnés, sous le régime turc, a vivre repliés sur eux-mêmes. L’émancipation politique, au XIXe siècle, leur ouvre des perspectives économiques toutes