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Monténégro, la Roumanie, la Bulgarie, ont été détachés de l’Empire turc et sont devenus, par étapes, des États absolument indépendans. Un temps d’arrêt fut marqué en 1854-1856 par la guerre de Crimée, qui associa temporairement l’Angleterre et la France contre la Russie ; ce mouvement s’est ensuite précipité, depuis la guerre turco-russe de 1877, dont les sanctions fuient posées par le Congrès de Berlin (1818). L’émancipation économique a suivi, d’assez loin d’abord, cette transformation politique ; seule, en effet, la Grèce avait jusqu’à ces dernières années, un accès direct sur la mer ; les principautés balkaniques restaient tributaires de ports encore turcs, Salonique et Constantinople ; aucune communication directe, par chemin de fer, n’était ouverte entre elles et l’Europe centrale ; le Danube lui-même, coupé par l’obstacle des Portes de Fer, était divisé en deux biefs et ne pouvait suffire à des échanges intenses entre ces deux groupes.

C’est par mer, alors, que l’Occident développe ses relations avec l’Empire ottoman ; les progrès de la navigation à vapeur servent tout d’abord les armateurs anglais, qui ont équipé les premiers chantiers de construction ; leurs paquebots, dans l’Archipel et la Mer-Noire sont relayés par des voiliers grecs, qui pénètrent dans toutes les baies et se font les intermédiaires d’un commerce de détail de plus en plus actif. La liberté des détroits entre la Méditerranée et la Mer-Noire est pour l’Angleterre, dans ces conditions, une nécessité de premier ordre ; elle lui subordonne résolument toute sa politique orientale. La France, sous Napoléon III, subit cette impulsion ; ses hommes d’affaires (il y en eut de géniaux pendant le second Empire) multiplièrent eux aussi les transactions maritimes avec les pays levantins ; les Messageries, d’autres sociétés marseillaises montrent leur pavillon au Pirée, à Smyrne, à Constantinople, à Odessa. Au lendemain de la guerre de Crimée, la Commission internationale du Danube a pour mission principale d’aménager pour la grande navigation le cours inférieur de ce fleuve, de sorte qu’il ouvre une route intérieure aux paquebots venus d’Occident par les détroits. Puis, comme ces travaux sont lents et ne répondent pas à toutes les espérances, les Anglais apportent en Turquie la grande nouveauté moderne, le chemin de fer ; ils construisent pour le compte du Sultan, en 1862-1863, d’abord une petite ligne de 60 kilomètres, qui relie