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N’insistons pas. Aussi bien est-ce là la question de mentalité. Ne laissons pas croire, pas plus sur mer que sur terre, que nous ayons perdu la mentalité offensive, sans laquelle on n’obtient rien à la guerre ; et qu’il me soit permis de terminer sur ce sujet par un emprunt au très distingué écrivain militaire des Débats (numéro du 29 novembre) :

« Les Allemands, dit M. H. B…, pour prévenir et décourager les offensives qu’ils redoutent…, feront des opérations de plus en plus hardies. Leurs doctrines de guerre sont unanimes sur ce point. La hardiesse y est conseillée, recommandée, ordonnée, non pas seulement pour masquer la faiblesse, mais comme étant par elle-même une source de force, un coefficient qui multiplie les effectifs. Enfin, tous les écrivains allemands enseignent que les grandes victoires ne se gagnent que dangereusement et souvent par le parti le plus périlleux…, etc. »

« La hardiesse, source de force !… » « Les grandes victoires qui ne se gagnent que dangereusement et souvent par le parti le plus périlleux !… » Ah ! je l’avoue, ces fortes et justes paroles sont péniblement revenues à mon souvenir lorsque j’ai su que l’opération décisive du forcement des Dardanelles par les flottes alliées avait été écartée sans discussion comme trop téméraire.

Il ne m’est pas possible d’entrer ici dans le détail des raisons de tenter ce coup d’audace, encore moins dans celui des procédés particuliers que j’estimais possible de mettre en jeu pour arriver à un résultat qui eût évidemment changé la face des choses. Je ne puis qu’esquisser à grands traits la physionomie d’ensemble de l’opération et répondre aux objections essentielles qui sont parvenues à ma connaissance.

Peut-être les lecteurs de la Revue se rappellent-ils que, le 1er mai[1], au sujet de la malheureuse entreprise du 18 mars, j’essayais de bien marquer les essentielles différences qui séparent le passage de vice force de l’attaque méthodique. Je ne cachais d’ailleurs pas ma préférence pour la première de ces deux méthodes, celle qui, en d’autres temps où la « mentalité offensive » était particulièrement en honneur aussi bien chez les nations anglo-saxonnes que chez certain peuple latin, avait si bien réussi aux Nelson, aux Roussin, aux Farragut, aux Porter, aux Courbet… Je reconnaissais d’ailleurs que l’attaque

  1. Revue des Deux Mondes du 1er mai : « Dans le Levant. »