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instrument de guerre est créé pour faire la guerre ; un engin de combat doit être prêt à combattre en toute circonstance. Il ne faut pas, en présence d’une opinion publique déjà nettement hostile aux « mastodontes, » rendre trop difficile la tâche de ceux qui, après cette guerre, s’efforceront de sauver au moins le grand croiseur cuirassé, le « dreadnought » très rapide, très marin, très bien approvisionné, qui restera quelque temps encore l’instrument le mieux approprié à la guerre du large.

Au reste, il y a tout lieu de supposer que les gouvernemens alliés admettent l’intervention très prochaine des unités dont le déplacement, — et le prix de revient, — pèsent si lourdement sur les plans des chefs des grandes flottes, puisqu’une des « garanties » qu’ils demandent à la Grèce consiste dans l’autorisation d’organiser dans ses eaux territoriales la chasse aux sous-marins ennemis. Cette autorisation était-elle, en fait, si nécessaire ? On marchandait beaucoup moins, en 1827 et même en 1854, à poursuivre jusqu’à la côte les pirates d’alors, qui étaient justement des Grecs, d’origine au moins. Ceux d’aujourd’hui sont des Allemands que leurs procédés ont mis hors la loi et qui trouvent, malheureusement, sur le littoral ou sur certains navires hellènes, les plus compromettantes complicités. Avouons que si les positions étaient renversées et que nos ennemis fussent à notre place, un tel état de choses aurait depuis longtemps cessé. Il semble que, tout en répudiant les procédés cruels de nos adversaires, nous pourrions nous inspirer de leur énergie. Il y a des scrupules qui apparaissent vraiment hors de saison, aujourd’hui, et ce ne serait point faire la guerre, — une guerre où l’existence de la nation est en jeu ! — que de la faire avec des préoccupations qui relèvent du dangereux « pacifisme » d’antan.


La situation de l’armée expéditionnaire franco-anglaise de Macédoine n’est pas sans causer quelques appréhensions. J’ai cru pouvoir exprimer, il y a quelque temps déjà, le vœu que l’occupation temporaire de la presqu’île de la Chalcidique fit partie des « garanties » que les Puissances alliées avaient l’intention de demander à la Grèce. Je ne crois pas que cette suggestion ait été suivie d’effet. Deux mots seulement sur ce sujet : Salonique n’est une bonne base d’opérations qu’à l’expresse condition qu’on n’y soit pas renfermé et pressé par