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et l’inconvénient augmente à mesure que l’indécision se prolonge.

La nomination du général Joffre comme commandant en chef de toutes nos armées a été une première et importante satisfaction à ce besoin d’unité dans la direction des affaires militaires. Une comparaison s’établissait inévitablement dans les esprits. On voyait d’un côté l’empereur d’Allemagne commander souverainement à ses alliés devenus ses vassaux et donner une impulsion unique et puissante aux événemens qu’il paraissait diriger : de l’autre, les Alliés agissant dans des sens divers, sans entente préalable, ou avec une entente insuffisante dont les lacunes s’apercevaient trop tard. Certes, aucun de nous ne voudrait se soumettre au régime que l’Allemagne impose et que l’Autriche, la Turquie et la Bulgarie subissent docilement; mais on est obligé de lui reconnaître, au point de vue militaire, quelques avantages. Ces avantages, n’est-il pas possible de se les assurer par d’autres procédés ? La question s’est posée parmi les Alliés et tous ont compris qu’elle devait être résolue promptement. Qui aurait pu contester la nécessité d’une entente? Qui n’avait pas éprouvé les inconvéniens d’une action isolée? La cause était donc gagnée d’avance, mais il fallait passer à l’exécution, et on sait qu’entre les deux opérations il y a parfois quelque intervalle. Les ministres anglais ont donné les premiers le bon exemple. Déjà quelques-uns des nôtres, M. Viviani, M. Millerand, le général Joffre étaient allés successivement à Londres. Mais les ministres anglais sont venus en groupe à Paris. M. Asquith, M. Balfour, sir Ed. Grey, M. Lloyd George, c’est-à-dire les membres les plus importuns du Cabinet, ont annoncé un jour qu’ils y arriveraient le soir même, et ils ont passé le lendemain au milieu de nous. L’élément civil cette fois était seul représenté : lord Kitchener, ministre de la Guerre, était encore en Orient. Depuis cette première visite, d’autres ont suivi; la dernière s’est faite, à Calais, et lord Kitchener y assistait. Ces réunions n’ont pas tardé à prendre un autre caractère : elles ont eu lieu entre militaires, à Chantilly. Tous les gouvernemens alliés, y compris la Belgique et la Serbie, ont été représentés. La Russie avait envoyé à Paris le général Gylinski, l’Italie, le général Porro, sous-chef d’état-major, l’Angleterre, sir Archibald Murray, chef d’état-major général. Cet aréopage militaire, composé d’officiers de la plus haute distinction, mérite confiance et le seul regret que nous ayons à exprimer est qu’il ne se soit pas formé plus tôt. Mais ce qu’ont décidé les gouvernemens et quelles mesures d’exécution pratique les militaires ont arrêtées, nous ne le savons pas encore. Nous ne pouvons