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l’histoire de Spinoza, les causes de l’altitude du peintre prenant audacieusement parti, en 1657, pour l’exilé contre son persécuteur, alors que lui-même était encore sous la menace d’une ruine complète, suspendue sur sa tête depuis cette fatale journée du 25 juillet 1656.

La commune infortune qui s’abattait le même jour et des mêmes mains sur eux, avec autant de rigueur que d’injustice, — et qui n’a jamais été signalée, que je sache, jusqu’ici, — eut-elle une cause identique ?

C’est ce qu’il est encore impossible d’affirmer dans l’état de la question. .Mais il suffira qu’elle soit signalée aux infatigables et très heureux fouilleurs des Archives néerlandaises, avec les nombreux à-côté qui l’éclairent, déjà d’un jour très suffisant, pour qu’elle soit bientôt résolue, d’une façon définitive.


II

Tout d’abord, il faut se rappeler que Rembrandt habita presque toujours la Breedestraat, durant tout le temps du séjour de Spinoza à Amsterdam. De 1639 à 1658, il posséda cette maison qu’on vénère aujourd’hui comme un sanctuaire et que des mains pieuses ont arrachée récemment à la trop longue profanation, pour lui restituer son aspect d’autrefois et l’animer par la pensée du Maître.

Une collection unique d’estampes et de dessins de Rembrandt y est même déjà réunie, parmi des œuvres de ses intimes, comme Hercules Seghers, Roghman, Lastman et Asselyn. Des meubles précieux du temps, conformes aux détails de son inventaire, des cartes et des plans de son pays, datés du début de ce XVIIe siècle qui fut le « Siècle d’or » des Hollandais, créent dans ce logis, — non pas remis à neuf, mais remis en l’état, — cette atmosphère propice où l’on verrait évoluer, sans surprise, le Maître des Pèlerins d’Emmaüs, attendant avec angoisse l’huissier et le notaire venant inventorier ses trésors, pour satisfaire à la rigueur d’un arrêt déplorable.

Voici le vestibule dallé de marbre, — comme tout le rez-de-chaussée, d’ailleurs, — avec, à main gauche, la porte de l’antichambre, sorte de salon d’attente, avant d’être introduit dans la salle, ou la grande chambre de réception, en arrière, éclairée par une cour assez étroite. C’est là que son fils Titus est né !