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peut-être jusqu’aux calibres de 50 ou 60 centimètres. Mais il faudrait des plates-formes fixes et bétonnées pour le tir.

Sur un flotteur, les pesées se répartissent uniformément dans la masse liquide, dont la résistance est indéfinie. On n’est arrêté que par celle de l’affût lui-même, c’est-à-dire du bateau. Là peuvent être réalisés les plus monstrueux chefs-d’œuvre de la mécanique homicide.

Le bateau-canon ne sera donc pas inférieur à la batterie de côtes, ni comme portée du tir, ni comme puissance du projectile. A égalité de force, il a été jusqu’ici victime d’un double désavantage tenant au danger mortel que lui font courir les moindres avaries sous la ligne de flottaison ou à son voisinage et à la facilité qu’a l’ennemi pour rectifier son tir. Car les obus, en tombant dans la mer, soulèvent des gerbes d’eau visibles à grande distance. Le premier inconvénient doit être atténué par la protection sous-marine, le second sera quelque jour entièrement supprimé par l’emploi des rideaux de fumée.

Il y a là une méthode dont les premiers indices ont déjà paru, mais qui doit se développer considérablement pour assurer au feu des vaisseaux une supériorité décisive sur les forts. Le bateau se meut et il choisit son moment. Tels sont les deux avantages qui lui permettent de tirer profit de la méthode en question contre un adversaire immobile. Voyons d’abord le fait acquis : à plusieurs reprises déjà, il a été fait usage de rideaux de fumée, produits artificiellement, soit pour dissimuler des zeppelins, soit pour soustraire des bateaux au feu ennemi. Le 2 juillet, par exemple, près de l’île Gottland, des croiseurs russes poursuivaient une division légère allemande. Bientôt l’Albatros était gravement atteint. Les torpilleurs allemands, pour le dissimuler, l’entouraient d’un voile épais de fumée traînante. Une escadre, ayant le choix du jour et de l’heure, c’est-à-dire du vent et de l’éclairage, pourra donc s’approcher d’une côte, en se faisant précéder d’un rideau qui la masque complètement. Il est possible qu’en certains cas du moins elle conserve une vue du rivage suffisante pour fixer sa propre position et régler son tir par visée indirecte. Toutefois, la solution générale du problème tactique suppose, en principe, que l’assaillant sera maître de l’air et pourra se faire renseigner par ses avions sur les points de chute et sur les effets des projectiles. Elle suppose aussi