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L’ALSACE À VOL D’OISEAU


UN SOIR AU MONT SAINTE-ODILE

I. — LA MONTÉE

C’était quelques années avant la guerre de 1914.

Un clair matin d’automne rayonnait sur l’étroite vallée de Barr, qui s’insinue dans les Vosges, au pied du Menelstein, à l’orée de la plaine d’Alsace. Nichée dans une faille de la chaîne, cette vallée sans issue, qui aboutit à la Forêt des Sept-Vents et au Hohwald, est un des plus vieux coins celtiques du pays, comme le prouvent le nom de son torrent, la Kirneck, et du Krax, mamelon sauvage, boisé de pins trapus, qui domine fièrement la contrée et la sépare de la plaine. Ce matin-là, l’azur vif dardait sur le monde son plus éblouissant sourire. Le ciel s’épandait comme un pavillon de lumière sur les montagnes, revêtues de leurs manteaux de forêts et déjà chatoyantes des teintes fauves et rouges de l’automne. Je n’y pus tenir parmi mes livres et mes paperasses. D’un bond je fus hors ma maison et résolu de grimper au Mur-Payen pour passer la journée au mont de Sainte-Odile.

Un sentier de traverse quitte la vallée, franchit quelques masures et s’élève à travers des vignobles et des prairies en pente douce sur le contrefort de la montagne. On atteint un large vallon, tapissé de gazons humides et lustré par les sources