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chaque village où elles arrivent, pour que les musulmans fassent leur choix. La caravane partie de Papert fut ainsi diminuée et les femmes et les enfans qui restaient furent ensuite précipités dans l’Euphrate, devant Erzingha.

«… Ces barbaries ont été commises partout, et les voyageurs ne rencontrent, sur toutes les routes de ces provinces, que des milliers de cadavres arméniens. Un voyageur musulman, pendant son trajet de Malatia à Sivas, qui dura neuf heures, n’a rencontré que des cadavres d’hommes et de femmes. Tous les mâles de Malatia ont été amenés là et y ont été massacrés ; les femmes et les enfans sont tous convertis à l’islamisme. Zohrab et Vartkès, les députés arméniens au Parlement ottoman, qui ont été envoyés à Diarbékir pour être jugés par le Conseil de guerre, ont été, avant d’y arriver, tués près d’AIep.

« Les soldats arméniens ont subi le même sort. D’ailleurs, tous ont été désarmés et ils travaillent pour construire des routes. Nous savons de source certaine que les soldats arméniens de la province d’Erzeroum, qui travaillent sur la route Erzeroum-Erzingha, ont été tous massacrés. De Kharpout seul, 1 800 jeunes Arméniens furent expédiés comme soldats à Diarbékir pour y travailler ; tous ont été massacrés aux environs de Arghana. On n’a aucune nouvelle des autres localités, mais certes on leur a fait subir le même sort.

« Dans diverses villes, les Arméniens qui étaient oubliés au fond des prisons sont pendus. En un mois seulement, quelques dizaines d’Arméniens ont été pendus dans la seule ville de Césarée. Dans beaucoup d’endroits, la population arménienne, pour sauver sa vie, a voulu se convertir à l’islamisme, mais ces démarches n’ont pas été facilement accueillies, comme lors des grands massacres précédens. A Sivas, on a fait les propositions suivantes à ceux qui voulaient se convertir à l’islamisme : confier leurs enfans, jusqu’à l’âge de douze ans, au gouvernement qui se chargera de les placer dans des orphelinats et accepter de s’expatrier pour aller s’établir là où le gouvernement leur indiquera.

« A Kharpout, on n’a pas accepté la conversion des hommes ; quant aux femmes, on a exigé, pour leur conversion, la présence d’un musulman ayant accepté de prendre chacune d’elles comme femme en mariage. Beaucoup de femmes arméniennes ont préféré se jeter dans l’Euphrate avec leurs nourrissons, ou se sont