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restauration des mœurs et des croyances primitives, notamment du Shinto (voie des dieux). La Révolution japonaise de 1868 avait, pendant une certaine période (de 1870 à 1880), manifesté une sorte de mépris pour les traditions et les œuvres de l’art, de la littérature, de la religion nationales. Mais ce n’avait été qu’une phase assez brève, comparable à cette époque du XVIIIe siècle français et de notre propre Révolution, pendant laquelle la littérature et l’art du Moyen Age étaient proscrits et condamnés. La réaction n’avait pas tardé à apparaître au Japon, comme en France. Okakura fut l’un des initiateurs et des principaux agens de cette réaction, dont quelques-uns des hommes d’Etat du Japon furent assez sages pour comprendre l’opportunité et l’importance. En 1886, il fut envoyé en mission aux Etats-Unis et en Europe pour étudier les méthodes d’éducation artistique dans les pays d’Occident. A son retour, il fut chargé d’organiser l’Ecole impériale d’Art de Tokyo, dont il devint directeur. Il fut aussi un des créateurs et membres de la Commission impériale d’archéologie, dont la tâche était d’étudier, classifier, conserver les monumens anciens du Japon, les archives et collections des temples et monastères, et, d’une manière générale, toutes les reliques de l’art ancien.

En 1898, sous un Cabinet de tendance plus nettement moderne et occidentale, Okakura ne put s’entendre avec le Département de l’Education publique. Il donna sa démission et fonda, avec quelques-uns de ses collègues et élèves, dans l’un des faubourgs de Tokyo, une Académie privée, le Nippon Bijitsuin (Palais des Beaux-Arts japonais), destiné à devenir ce que n’était plus, à son gré, l’Ecole impériale d’Art de Tokyo, le conservatoire de l’art national. En même temps était créée, par un certain nombre de peintres de l’Ecole nationale, la « Société des peintres japonais, » dont le prince Nijo, oncle de la présente Impératrice, était nommé président, et Okakura vice-président.

En 1902, Okakura fut appelé aux Etats-Unis pour y organiser, au musée de Boston (Massachusetts), la collection des œuvres d’art japonaises qui y avaient été recueillies par Ernest F. Fenellosa, et dont il devint, après ce dernier, le directeur.

C’est à Boston, dans ce sanctuaire d’art japonais dont il avait la garde, que, méditant à loisir sur l’histoire et l’art de son pays, qui, dans la solitude et le recul de l’étranger, se révélaient