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dans les autres par un mouvement simultané et parallèle. La libéralité et la magnificence résultant du culte de la poésie et de l’harmonie qui, dans l’Inde du VIe siècle, caractérisent le règne de Vikramaditya, se retrouvent en Chine dans la glorieuse période de la dynastie des Tang (618-907) et, au Japon, à la Cour impériale de Nara. De même, le mouvement d’individualisme et de nationalisme qui, au VIIIe siècle, est marqué dans l’Inde par l’avènement de Sankaracharya, l’apôtre de l’Hindouisme, est suivi en Chine, durant la dynastie des Song (960 1260), par une activité semblable qui aboutit au néo-confucianisme et à la réforme bouddhiste de l’école de Zen : et cette phase a son écho au Japon comme en Corée. Si bien qu’à la date où le Christianisme luttait encore en Europe contre les ténèbres du Moyen Age, la terre du Bouddha était un grand jardin de culture où chaque fleur de pensée s’épanouissait en beauté[1]. »

Okakura a, dans les Idéaux de l’Orient, marqué en traits précis comment chaque période de l’histoire, de la pensée, de l’art indiens, a son retentissement, sa correspondance, son écho en Chine, et, par la Chine, au Japon. Il a établi les rapports, non seulement de chronologie, mais de causalité, de dépendance, d’harmonie entre les phases similaires de chacune des trois civilisations. Il a montré comment, abstraction faite de la période obscure, à peu près impénétrable, de la préhistoire, c’est, au Japon comme en Chine, le confucianisme qui a labouré et préparé le sol sur lequel est tombée ensuite la semence bouddhiste. L’introduction du confucianisme au Japon est datée de l’an 285 de notre ère, celle du bouddhisme de l’an 552. Le prince japonais Wumayado, connu sous le nom de Shotoku-Taishi (573-621), et qui est comme le Clovis ou le Constantin du Japon, l’introducteur et le patron de la foi nouvelle, est, dans la constitution en dix-sept articles qui lui est attribuée, comme le symbole même de ces origines de la nouvelle ère japonaise. Cette constitution unit la morale confucéenne à la foi bouddhiste, et, jointe au culte national de l’empereur (Shinto), résume la charte, le programme de ce qui sera désormais la vie morale, religieuse et sociale du Japon. Le Japon est ainsi relié, et tout d’abord par l’entremise de la Corée, aux deux grands foyers d’Asie, la Chine et l’Inde. De même qu’à partir du

  1. Le Réveil du Japon, p. 8 à 10.