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cesse attaquée et dont les têtes repoussent sans cesse dans l’enceinte du Palais-Bourbon.

L’Inscription maritime a été à son origine une sorte de compromis entre l’instauration du service obligatoire pour une certaine catégorie de citoyens français et la concession d’avantages spéciaux accordés à tous ceux qui se faisaient inscrire sur les matricules des gens de mer.

Nous ne referons pas l’historique de l’œuvre géniale de Colbert, qui eut le mérite de dégager plusieurs siècles à l’avance la véritable formule de la nation armée[1] ; nous nous bornerons à observer que la solution du problème de l’Inscription maritime tel qu’il était posé devant le Parlement était double. Les députés, qui étaient disposés à voter facilement ce qui se rapportait au système de recrutement, étaient, en revanche, très gênés pour toucher aux statuts des inscrits et à leurs privilèges séculaires. Comme le gouvernement désirait obtenir un vote rapide, il fut donc contraint de disjoindre, dans son projet, les articles concernant l’état social des inscrits de ceux qui réglaient leur dette militaire ; et la loi, ainsi tronquée, fut votée presque sans débat, le 8 août 1913.

Cette disposition législative répondait à des nécessités pressantes.

Si nous laissons de côté l’aspect politique de la question pour nous en tenir exclusivement aux besoins du recrutement, nous voyons que l’Inscription maritime encourait, avant la loi de 1913, deux graves reproches. D’une part, elle ne permettait plus de donner à la flotte le personnel qu’elle réclamait ; d’autre part, elle laissait inutilisées d’abondantes réserves.

Il s’était produit une transformation complète dans les méthodes d’armement de nos navires de combat, et l’Inscription maritime était impuissante, aussi bien sous le rapport de la quantité que de la qualité, à fournir à nos escadres les hommes que le nouveau programme naval exigeait. De 55 595 marins figurant sur les contrôles en 1911, on était passé, en 1913, à 60 505. A mesure que les besoins de la flotte augmentaient, les ressources de l’Inscription maritime diminuaient ; si bien qu’en 1911 la Marine admettait 4 391 engagés, ou jeunes recrues, contre 4 136 inscrits seulement, dont

  1. La conscription aurait pu s’appeler tout aussi bien l’inscription militaire, par opposition avec l’inscription maritime ; le principe en est le même.